Shoni Schimmel, l’histoire d’une star météorique au talent gâché

En cette période de confinement et sans assurance que la saison débutera bien en mai, je me suis demandé quelles joueuses me manqueraient le plus s’il fallait encore attendre 6 mois (ou plus…) avant de revoir de la WNBA. C’est là que je me suis aperçu que l’une d’entre elles me manquait déjà depuis quelques années, avant même cette période trouble que l’on est en train de vivre.

Si vous ne suivez la WNBA que depuis deux ou trois ans, le nom de Shoni Schimmel ne vous dira peut-être rien. Pour moi, en revanche, il est synonyme de coup de foudre. Celui que j’ai eu pour cette joueuse électrisante et dont le talent aurait dû lui permettre d’être encore aujourd’hui l’une des stars du basket US. Malheureusement, la romance ne s’est pas écrite dans le temps et aura été “courte, compacte et passionnelle”, comme dirait l’autre. Shoni n’a que 27 ans, bientôt 28, mais elle n’est déjà plus en WNBA. Il est même tout à fait possible qu’on ne la voit plus jamais en action sur un parquet professionnel. Son histoire mérite quand même d’être contée.

La première fois que j’ai entendu parler de Shoni Schimmel, elle n’avait que 16 ans. C’était dans un documentaire. Si vous parvenez à mettre la main sur “Off the Rez”, de Jonathan Hock, vous comprendrez peut-être pourquoi j’ai eu envie de suivre la trajectoire de Shoni. Et pourquoi j’ai cru qu’elle deviendrait une superstar du basket.

Un extrait du documentaire “Off the Rez”, de Jonathan Hock

On y découvre le rêve d’une Shoni adolescente, née et élevée dans la réserve indienne d’Umatilla à Pendleton dans l’Oregon, dont est issue sa famille du côté maternel. Elle veut être la première de sa communauté à obtenir une bourse universitaire grâce à son talent de basketteuse et pourquoi pas devenir professionnelle ensuite. Un objectif contrarié par le fait que sa mère Ceci et elle-même décident de quitter la réserve pour augmenter leurs chances de succès.

Dire qu’elle est douée est un euphémisme. A 16 ans, la meneuse a déjà tout : la vision de jeu, le handle, la vitesse et une capacité à shooter d’à peu près partout. Des qualités qu’elle met au profit de la Franklin High School, où ses parents la coachent. Le documentaire est aussi une petite plongée dans la culture des Native Americans, de leurs traditions et de leur héritage culturel. Petit aparté si la question vous intéresse, je vous recommande la série de Netflix “Basketball or Nothing”, qui suit le parcours d’une équipe de high school de la communauté des Navajos.

Shoni Schimmel et sa mère Ceci

Dans la foulée de ce documentaire, Shoni accomplit la première partie de son objectif en étant recrutée par la prestigieuse fac de Louisville dans le Kentucky (sa soeur Jude l’y rejoindra), à plus de 3 000 km de la réserve d’Umatilla. Elle excelle chez les Cardinals, qui pratiquent un basket high tempo calqué sur ses qualités et que les locaux surnomment le “rez ball”, en hommage aux origines de la n°23. Avec ce style spectaculaire, Shoni Schimmel et ses camarades disputent même la finale du Tournoi NCAA en 2013 contre l’invincible équipe de Connecticut et sa star Breanna Stewart, future MVP à l’échelon supérieur. Shoni achève son cursus universitaire en 2014 et se présente à la Draft avec une jolie cote. L’Oregonienne est sélectionnée en 8e position par Atlanta, dans une cuvée où 6 des 7 filles la précédant (la 7e étant Bria Hartley) seront de futures All-Stars : Chiney Ogwumike, Odyssey Sims, Kayla McBride, Alyssa Thomas, Natasha Howard et Stefanie Dolson.

Shiny Shoni

Comme beaucoup qui avaient suivi de près ou de loin le parcours de Shoni, j’attendais de voir ce qu’elle serait capable de faire en WNBA, face à la plupart des meilleures joueuses de la planète. Son coach, l’exigeant Michael Cooper, ex-lieutenant de Magic Johnson aux Lakers et double champion WNBA sur le banc des Sparks au début du millénaire, choisit de la faire sortir du banc. Pas illogique dans un effectif où figurent Angel McCoughtry, Jasmine Thomas, Tiffany Hayes, Erika de Souza ou Sancho Lyttle. Un pari payant pour la rookie. Les étincelles qu’elle créé sur 20 minutes chaque soir de match l’envoient directement au All-Star Game grâce au vote des fans, séduits par son style flashy pas si commun. Jugez plutôt.

C’est sa performance dans ce match de gala qui lui permet de basculer en termes de popularité. Elle y livre une bataille féroce et hyper spectaculaire avec une autre star en devenir : Skylar Diggins. Evidemment, ce n’est qu’un match d’exhibition. Mais même 6 ans après, les highlights de ce duel permettent de se rendre compte de ce dont était capable Shoni Schimmel. Des shoots à la Curry, une maîtrise des angles et un équilibre à la Irving, mais aussi des drives saignants à la… Shoni. Schimmel est élue MVP du All-Star Game 2014 et s’offre avec 29 points le record de l’événement. Une marque que Maya Moore effacera l’année suivante.

Le Dream atteint les playoffs, éliminé en demi-finale de la Conférence Est par le Chicago Sky d’Elena Delle Donne et Sylvia Fowles. Shoni Schimmel n’y joue que 58 minutes cumulées sur les trois matches de la série, pour 6.3 points et 5.7 passes de moyenne. Malgré ça, le train de la hype est lancé. A la fin de cette saison 2014, la WNBA annonce même que le maillot le plus vendu dans toute la ligue est le sien. Tout va vite, très vite. Trop vite ?

Shoni Schimmel lors de sa deuxième saison à Atlanta, contre les Mystics

Deux saisons pleines, puis le blues…

“Tu peux enlever la fille de la réserve, mais tu ne peux pas enlever la réserve de la fille”, raconte justement Ceci, la mère de Shoni dans “Off the Rez”. L’éloignement d’une partie de sa famille et la fatigue mentale pèsent sur elle. Elle ne se cache pas du spleen qui l’envahit fréquemment pendant les 6 mois de la saison. Si Schimmel est à nouveau All-Star en 2015, popularité oblige, le Dream n’atteint pas les playoffs. La meneuse, souvent décalée au poste 2, ne rayonne pas autant que prévu et ses coups d’éclat ne suffisent pas à mettre Atlanta sur les bons rails.

Du strict point de vue de fan, ça ne changeait alors pas grand chose à ce que je pensais d’elle. Qu’importe le collectif un peu dissonant, Shoni Schimmel parvenait toujours à me faire décoller de ma chaise sur des exploits individuels et je me disais que rien ne pouvait l’empêcher de continuer son ascension. Tout faux…

Alors qu’elle avait prévu de jouer à l’étranger, comme la plupart des joueuses majeures de la ligue, la santé de sa grand-mère Lillian, dont elle est très proche, la dissuade de quitter les Etats-Unis. Elle débarque ainsi à la reprise de l’entraînement en 2016 dans une condition physique et un état de forme général qui scandalisent Michael Cooper et la direction du Dream.

“Elle m’a vraiment beaucoup déçu. Les propriétaires de l’équipe aussi. Nous croyons toujours en elle, mais il faut qu’elle prenne ses responsabilités. Nous verrons quand le training camp aura commencé”, lâche Cooper dans l’Atlanta Journal Constitution. Ce à quoi Schimmel répond, agacée : “Je connais mon corps et je sais que je retrouverai la forme. Tout le monde n’arrive pas en bonne condition au camp d’entraînement. Je suis en apprentissage. Je suis toujours une enfant qui essaye d’être une adulte. Je suis un être humain. Je vais tout faire pour y arriver et au final, je jouerai quand même au basket”.

Elle jouera au basket, oui. Mais plus à Atlanta. Le Dream l’envoie à New York avant le début de la saison, contre un 2e tour de Draft 2017. Une faible compensation au regard de son talent, mais la séparation n’est amère pour personne. Le Liberty semble pouvoir permettre à Shoni de rebondir et de reprendre sa trajectoire. Malheureusement, “NYC” n’est pas l’asile espéré. Schimmel y a un rôle très réduit sous les ordres de Bill Laimbeer : 17 apparitions et des miettes de temps de jeu derrière le backcourt Tanisha Wright-Sugar Rodgers, avant une blessure qui la prive de la fin de saison et des playoffs.

Shoni ne va pas bien et les équipes ne disposent alors pas d’un accès facile à des professionnels de la santé mentale. Durant l’intersaison, elle annonce sa décision de ne pas jouer de toute la saison 2017 pour se ressourcer et rester auprès de sa famille. Pendant cette période, elle se rend au chevet de sa grand-mère, qui décède quelques mois plus tard. Néanmoins, elle débarque au camp d’entraînement lors de la saison 2018 avec la ferme intention de retrouver une place de choix en WNBA. Le Liberty n’est pas convaincu et coupe son contrat quelques semaines avant la reprise de la saison. Les Las Vegas Aces lui offrent immédiatement une chance de rebondir, mais après deux apparitions anodines, elle est là aussi coupée une semaine plus tard. Impossible de sortir de cette spirale négative…

Qu’est devenue Shoni Schimmel ?

Jusqu’au mois de juin dernier, plus de nouvelles. Shoni Schimmel avait disparu de la circulation et la faible médiatisation du basket féminin n’aide clairement pas à retrouver la trace de joueuses sorties du radar. Plus d’un an et demi après sa dernière apparition en WNBA, Shoni est très loin des parquets de l’élite. Elle est revenue à la source, dans l’Oregon. Le média SWX l’a suivie sur un tournoi de 3×3 à Spokane. Avant cela, elle officiait comme coach d’une équipe de lycéennes dans la réserve indienne de Fort Berthold dans le North Dakota.

J’aurais aimé que Shoni Schimmel annonce qu’elle était motivée à l’idée de retrouver la WNBA. Qu’elle était prête à écrire une comeback story comme on les aime tant. Malheureusement, si elle est apparue affûtée et souriante dans ce tournoi local, elle n’a pas semblé intéressée à l’idée de reprendre sa place.

“Aujourd’hui, je profite. Après avoir joué au basket pendant 23 ans de suite, je pense mériter une pause. A l’heure qu’il est, je me tiens prête à reprendre un autre job dans le coaching”.

Tant que la possibilité existe, je ne désespérerai pas de revoir Shoni Schimmel jouer en WNBA. Surtout dans un jeu de plus en plus fait pour elle et ses qualités. Si ça ne se produit pas, il restera les souvenirs. Et beaucoup, beaucoup de regrets…

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