Après l’espoir, le doute : le diagnostic des Bleues après un Euro décevant

En sortie de Mondial 2022 j’avais écrit ici que l’équipe de France était sur la bonne voie sur le jeu proposé. Une identité de jeu limpide et l’intégration des jeunes joueuses avaient apporté un vent nouveau et cet ensemble me rendait confiant pour l’avenir des Bleues. Neuf mois plus tard nous sommes retombés dans le flou le plus total. Sans revenir une énième fois sur les absences (certes préjudiciables en termes de talent) et la mauvaise communication des instances françaises, je souhaitais faire un bilan du jeu des Bleues sur cet Eurobasket 2023 et lister les points positifs (oui, nous pouvons en trouver) mais également les négatifs qu’il faudra vite corriger si nous voulons exister tout d’abord aux Jeux Olympiques de Paris dans un an, mais aussi à l’avenir…

Passons tout de suite sur le résultat. Certes, l’équipe de France ramène une énième médaille de Slovénie et il ne faut pas le banaliser. Mais dans cet Eurobasket de piètre qualité globale sur le jeu, c’était tout de même le strict minimum. Sur l’ensemble de la compétition, il n’y avait clairement que trois équipes candidates au podium dans ces circonstances particulières (le faible temps de récupération notamment) et les Bleues ont fini sur la dernière marche du podium. Ceux qui me connaissent savent bien que le résultat seul, hors contexte, m’importe peu. C’est principalement la manière avec laquelle nous l’obtenons et notamment ce que les Bleues sont capables de produire sur le terrain qui m’intéresse.

Le terrain, parlons-en justement en regardant ce que les filles et le staff ont pu nous proposer. Autant vous le dire tout de suite, il y a des aspects à revoir.

Le manque de hiérarchie et d’identité de jeu

Pour fonctionner, une équipe a besoin avant tout d’une identité de jeu et d’une hiérarchie au niveau des joueuses. C’est d’ailleurs encore plus vrai lorsqu’il y a beaucoup de talent dans un groupe, ce qui est le cas des Françaises.  Savoir sur qui se reposer quand cela devient difficile ou encore fixer des rôles précis à certaines joueuses pour effectuer le travail de l’ombre si important sont des composantes essentielles. Tous ces éléments n’ont pas transparu pendant la compétition. Nous avons vu des joueuses par moment investies, puis plus du tout… Un autre critère pouvant déterminer une hiérarchie est le temps de jeu. Là encore, nous avons eu du mal à comprendre. Pas une seule joueuse n’a fini à plus de 23 minutes de moyenne sur la compétition (7 joueuses autour des 20 minutes). On comprend aisément que c’est compliqué de donner de la confiance et de la régularité et définir des premières options… 

Côté identité ;c’est exactement la même chose. Je n’arrive pas à voir ce que souhaite mettre en place le staff pour ce groupe. En faisant un aparté, sur nos principaux concurrents à la victoire finale, que cela soit l’Espagne ou la Belgique, les deux équipes ont affiché une identité de jeu forte. Les Ibériques ont une identité défensive très forte, avec une pression incessante sur la balle et une maitrise de leurs un-contre-un remarquable (je ne peux que vous conseiller de revoir les matchs, leur défense est clinique) tout en essayant de pousser vite le ballon vers l’avant sur transition et fournir un jeu de pick and roll de qualité en attaque. Côté belge, le fait de jouer énormément avec Emma Meesseman en s’appuyant sur sa lecture de jeu avec du mouvement autour d’elle a été le maitre mot. De même que de responsabiliser Julie Vanloo en attaque tout en ayant une Julie Allemand en chef d’orchestre pour organiser et mettre le rythme du jeu. Bref vous l’aurez compris ces équipes ont une identité et une hiérarchie de jeu. Et pour revenir du côté des Bleues, je n’en vois aucune…

En observant attentivement les rencontres, l’équipe de France fait principalement confiance à son talent et à la  profondeur de son effectif qui peut épuiser sur la longueur d’un match les adversaires. En revanche, face à des adversaires plus coriaces, les Bleues ne passent plus.

Il en découle qu’après plus d’un mois de travail toutes ensembles, nous ne savons rien du style de jeu des Françaises ! Rien n’a été fait, que ce soit en préparation ou sur les premiers tours, pour construire cette hiérarchie qui, au vu des adversaires relativement faibles dans ce tournoi, nous aurait permis de nous amener des certitudes de jeu et du vécu.

L’utilisation (ou plutôt la non-utilisation) du trio Chartereau/Rupert/Fauthoux

Nous l’avions vu aux JO de Tokyo ou plus récemment au dernier Mondial, le présent et l’avenir de l’équipe de France passent en partie par le talent et la personnalité du trio Alexia Chartereau/Iliana Rupert et Marine Fauthoux. Et là encore nous pouvons être déçus de leur utilisation au sein de notre équipe de France.

Parlons tout d’abord du duo Iliana/Alexia qui est très faiblement utilisé ensemble ou alors avec peu de responsabilités… Elles sont souvent utilisées en bout de chaîne au scoring mais jamais au cœur du jeu. Nous avons un staff qui peine clairement à les utiliser et par conséquence qui préfère les faire jouer peu. Même dans leurs bons moments – comme Alexia en ½ Finale contre la Belgique grâce à son talent – le staff s’en passe sur une période décisive. Deux simples questions : pourquoi ne pas les responsabiliser plus alors qu’elles ont le talent pour performer ? De même, d’un point de vue plus technique, pourquoi ne joue-t-on pas plus de Pick and Pop avec Alexia Chartereau ou de Pick and Roll dans l’axe avec Iliana Rupert ? Sur ce genre de phases de jeu simples à mettre en place, je vous certifie que vu leur talent de lecture et de finition, les Bleues feront du mal à n’importe quelle défense. Encore plus avec nos snipeuses dans les ailes et les corners…

Venons-en maintenant à l’utilisation de Marine Fauthoux. En regardant le contenu des rencontres, j’observe une limitation et un bridage de son jeu, mais pourquoi ? Marine est une joueuse instinctive qui a besoin de se servir de sa création naturelle, de sa capacité à lire le jeu et de scorer ! Elle est totalement bridée dans le jeu des Bleues (trop stéréotypé) avec beaucoup de demandes spécifiques et d’applications de systèmes. Elle perd toute sa capacité à amener de la folie et de la créativité au jeu des Bleues qui, là encore, profiteraient à l’ensemble du groupe. Ce qui est marquant, c’est que le staff lui avait laissé énormément de liberté dans la prise de décision lors du Mondial 2022. Que s’est-il passé depuis ?

Les errances tactiques

Passons maintenant sur les questionnements autour de ce que nous ont proposé nos adversaires. Pendant une bonne partie de la compétition, les Françaises ont eu affaire à de la défense de zone. Et autant vous dire que je suis plusieurs fois tombé de ma chaise devant les réponses apportées sur ce type de défense. La défense de zone est souvent mise en place pour brouiller un peu les cartes pour l’adversaire et casser le rythme d’attaque d’une équipe. Ce type de défense fait plutôt bien le travail, mais elle a aussi des défaillances criantes quand on sait où appuyer. Le staff a été incapable de mettre en place une attaque de zone cohérente. Je passe sur les discours en temps mort du style « ce n’est pas grave si elles sont en zone »… Pourtant, ça l’est. Surtout si vous l’attaquez très mal. Sans vouloir être trop technique, nous n’avons vu aucun jeu de fixation ou de passes avec du spacing, aucun jeu entre intérieures, ni de joueuses poste haut et dans le secteur médian, qui est pourtant la base de l’attaque de zone. Les Bleues ont régulièrement tenté de jouer des passes de l’extérieur de la ligne à 3 points vers l’intérieure située ligne de fond. Résultat : cette passe a souvent été interceptée ou lue par la défense qui a provoqué des prises à deux. Sur ces prises à deux, la France n’a que très rarement renversé le ballon dans le bon tempo pour trouver la joueuse libre. Sur ces « traps » nous n’avons presque jamais eu de coupe (jeu sans ballon) pour offrir des options de passes.

Le manque d’adaptation tactique

Sur la demi-finale face aux Belges, les Bleues ont fait un choix défensif. Sans vouloir critiquer ce choix, car il faut bien définir des options à prendre en défense, c’est surtout le manque d’adaptation en cours de rencontre que je vais cibler. Vous l’avez sans doute lu ici et là, mais ce choix était de sortir fort et à deux joueuses sur le jeu de Pick and Roll de la Belgique (qui est souvent leur base de départ). Le but de ce choix défensif et d’être très agressive sur la porteuse de balle pour empêcher la sortie du ballon et casser le jeu adverse. En revanche, si le ballon sort et arrive dans les mains de joueuses comme Emma Meesseman, autant vous dire que vous allez vous faire disséquer en bonne et due forme ! 

Au bout de deux minutes de jeu, les Cats ont réussi à sortir les ballons et la France a dû entrer dans des rotations qui ont souvent mis Emma Meesseman ou les autres joueuses belges dans des situations favorables, que ce soit proche du panier ou de loin sur des tirs à trois ouverts. Le staff aurait du tout de suite observer que ce type de défense n’était pas bon et aurait dû s’adapter instantanément. Au lieu de cela, les Bleues ont continué, en profitant pendant quelques minutes d’une adresse de loin en berne de la part des Belges. Mais dès que l’adresse des Cats est revenue, l’équipe de France a littéralement explosé, là encore sans adaptation. Il aura fallu attendre 20 minutes de jeu pour changer de défense et passer sur du switch sur jeu de Pick and Roll, ce qui était une meilleure solution. A très haut niveau, contre des adversaires difficiles, c’est juste impensable qu’un staff ne réagisse pas plus vite. Perdre contre plus fort n’est jamais un problème. Mais si on peut éviter de tendre le bâton… 

Les motifs de satisfaction

La jeune génération. Je le répète régulièrement, mais la France possède de nombreux talents et c’est déjà la base. Il faut maintenant savoir les impliquer et les utiliser, mais rien n’est rédhibitoire quand on possède les joueuses qu’il faut. Il faut absolument savoir les utiliser et les mettre au cœur du jeu. Petit spoiler, elles n’attendent que cela ! Aux instances françaises de désormais faire les bons choix. Même si tactiquement on était proche du néant, la combativité et l’état d’esprit irréprochable des filles, qui n’ont rien lâché et se se sont battues, est à noter. Avoir cet état d’esprit, vu l’ambiance générale sur et en dehors du terrain, est à féliciter et c’est très positif.

Il m’arrive peu de sortir une joueuse du collectif, mais comme c’était sa première compétition avec les Bleues je tenais à le faire. Janelle Salaün a été excellente durant cette compétition. Sa polyvalence et sa combativité ont été parfaites et son avenir en équipe de France est extrêmement prometteur.

En résumé, avec les absences qui sont évidemment préjudiciables et tous les problèmes identifiés, l’équipe de France est passée à seulement 4 points d’une finale de l’Eurobasket. Avec toutes les pistes d’amélioration, on peut se dire que les Bleues possèdent toutes les cartes en main pour réussir. Il faut maintenant faire les bons choix !  

Le sentiment qui domine chez moi après cette compétition, même si les filles ont ramené le bronze, est tout de même la frustration. Il y avait vraiment la place avec ce groupe pour aller au bout… Je me garderais bien de fixer des axes de décision (changer le staff, la direction sportive…) mais il faudra dans tous les cas que l’équipe de France travaille sur de nombreux aspects (l’identité et la hiérarchie seraient un bon début) pour que l’avenir soit radieux.

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