Bradley Beal, l’homme qui aime le basket

On le voit très régulièrement dans les gradins de la Entertainment & Sports Arena à Washington. Bradley Beal, le talentueux arrière des Wizards, est un supporter fidèle et régulier des Mystics. Il vient de publier une lettre ouverte qui devrait être affichée dans tous les vestiaires de NBA et de WNBA.

Shaï Mamou, journaliste à Reverse Magazine, a traduit pour Swish Swish le plus beau des témoignages venant d’un joueur de NBA.

Source : Masks On


Si vous demandez à la plupart des gars dans la ligue qui était leur héros d’enfance au basket, qui les a influencés ou avec quel joueur ils ont découvert le basket, vous aurez une liste contenant quelques uns des plus grands : MJ, Kobe, AI, KG, Duncan, T-Mac, D-Wade, LeBron, tous ces mecs-là… Pour moi, c’est un peu différent. La première fois que j’ai entendu parler de basket, c’était par ma mère.

C’était une très bonne joueuse à son époque et elle a même joué à Kentucky State. Elle est devenue coach et directrice après ça, donc elle est toujours restée très proche du jeu et a fait en sorte que cela fasse partie de sa vie. Elle a transmis ça à ses cinq garçons, moi compris.

Donc quand les gens me demandent comment j’ai développé mon shoot, la réponse est simple : Maman Beal me l’a appris. On avait un de ces paniers Fisher Price, vous voyez ? Je m’entraînais dessus toute la journée. Ma mère me regardait marquer des paniers là-dessus et elle écrivait des petits mots sur des post-it partout dans la maison. Pour de vrai. Partout ! Sur les murs, les miroirs, le sol, les armoires, la table de nuit, le lit, la télé, partout… Sur chaque note, se trouvait un commentaire différent sur ma mécanique de shoot. Un exemple de conseil :

“Prolonge ton geste après le tir. Localise le cercle. Plie tes genoux. Utilise tes jambes. Aies confiance”.

Elle me faisait des rappels constants pendant la journée. Je me levais le matin… et je voyais une note ! J’allais à la salle de bains… une note ! Je m’asseyais à table pour le petit déjeuner… une note ! Rapidement, ma mécanique de shoot était devenue un condensé de ces petits mots. A ce jour, mon jeu est le résultats de ces leçons données par ma mère.

Que ce soit bien clair, parce que je ne veux pas que ce soit mal interprété : je ne soutiens pas la WNBA parce que c’est tendance. Je ne supporte pas les Mystics à cause d’un partenariat entre nos deux franchises. Et je n’écris absolument pas cet article parce que c’est bon pour mon image.

Je fais ça parce que j’ai été élevé d’une certaine manière : avec l’idée que le basketball est le basketball.

Vous comprenez ? Le basketball est le basketball. Qu’il soit masculin, féminin ou doté d’une autre étiquette, ça n’a aucune importance pour moi. Peu importe qui joue. Le basket est le basket. Le jeu reste le jeu. Si tu l’as en toi, je le verrai. Point.

C’est le monde dans lequel j’ai grandi. Bien sûr, avec cinq garçons à la maison, on regardait autant de NBA que possible. Jouer dans cette ligue était mon rêve. Mais ma mère a veillé à ce que l’on regarde aussi la WNBA. La grandeur est la grandeur, n’est-ce pas ? J’ai autant appris de Kobe et des bagues qu’il a gagnées que de Sheryl Swoopes et Lisa Leslie lorsqu’elles ont gagné les leurs.

Quand je me suis retrouvé à Washington après ma Draft, il n’y a pas eu le moindre doute. Je savais que je devais être un fan des Mystics. J’ai fait connaissance avec quelques unes de leurs joueuses comme Ivory Latta et Monique Currie parce que nos équipes partageaient la même salle. Je m’entraînais l’été pendant qu’elles disputaient la saison WNBA. A l’automne, j’ai remarqué qu’elles venaient à nos matches à domicile pour nous soutenir. Donc j’ai commencé à faire pareil pendant l’été. Depuis, les Mystics sont mon équipe. Il faut ensuite avancer quelques années plus tard, lorsque l’on a recruté Elena…

Quand on repense à ce trade, bon sang, il montre à quel point la ligue a grandi en quelqeus années. Aujourd’hui, en 2019, tout le monde connaît Elena Delle Donne. Une MVP, membre du club des 50-40-90, la meilleure joueuse du monde actuellement et l’une des meilleures de tous les temps. Lorsque la nouvelle de son trade est tombée, on en a un peu parlé. Mais je ne pense pas que la plupart des gens à Washington ont compris le vrai changement que ça impliquait dans la ligue. Les vrais fans, comme moi, avaient compris : Elena était la pièce manquante que l’on attendait tant. Les Mystics allaient devenir un problème pour leurs adversaires.

C’est incroyable à regarder. Elle est simplement l’une des plus grandes. Elena est un mismatch permanent. C’est une vraie intérieure en termes de gabarit et de longueur, mais elle a carrément les qualités techniques d’une arrière. Quand je dis qu’elle a des qualités d’arrière, je ne parle pas de 70% ou 80% de ce qu’un arrière sait faire. Je veux dire qu’elle a toutes ces qualité d’élite. Pas simplement son shoot, qui est fantastique. Ou ses lancers-francs, un exercice où elle est probablement la meilleure du monde, NBA comprise. Elle a aussi une habileté discrète avec la balle dont beaucoup de gens n’ont pas conscience. Elle utilise tous les angles possibles pour voir les choses avant qu’elles ne se produisent, à un niveau que peu de joueurs peuvent atteindre. Elle arrive à trouver ses positions au bon moment, sait provoquer la faute parfaite, peut finir malgré un contact… Toutes ces petites choses liées à la maitrise des angles, Elena parvient à les faire avec génie.

Et cette histoire de 50-40-90 ? C’est une blague ou quoi ? Ce que que j’adore à propos de ce fameux club, c’est que c’est un accomplissement que les haters ne peuvent pas critiquer. Ce sont des faits. Il n’y a rien à débattre. Soit tu es capable de rentrer ces shoots, soit tu ne l’es pas. Soit tu l’as fait, soit tu ne l’as pas fait. Elena a fait TOUT ça. C’est légendaire.

Voir Elena souffrir de problèmes de dos pendant ces Finales NBA, bon sang que c’est dur à regarder… J’ai détesté la voir quitter le game 2. Je suis sûre que c’était un déchirement pour elle. Mais si je sais quelque chose de cette équipe, c’est qu’elle ne va pas s’arrêter de jouer parce qu’il lui manque une joueuse. Même l’une des meilleures de la planète comme Elena. Avec un effectif aussi riche et solide que celui-là, ce n’est jamais fini.

Vous avez Natasha Cloud, qui est une vraie playmaker. Regardez-là jouer, elle est toujours en contrôle. Jamais décontenancée. J’adore le fait qu’elle s’améliore tous les ans. Pour moi, c’est ce que tu attends d’une joueuse que tu veux pour aller jusqu’au bout. Je pense ne pas être le seul à penser ça puisqu’elle vient d’avoir un nouveau contrat et que c’est un grand moment pour elle. Je trouve que c’est très intelligent de la part des Mystics.

Vous avez Ariel Atkins. Bon sang, qu’est ce que j’aime son jeu. Une gauchère, j’adore ! Je pense sincèrement qu’Ariel n’est pas reconnue à sa juste valeur. Elle est superbe en défense et elle a des missions difficiles tous les soirs dans ce secteur. C’est un rôle clé dans une équipe comme celle-là. C’est aussi une shooteuse sous-cotée. Je pense que vous verrez ses pourcentages augmenter dans les prochaines années. C’est une bête.

Vous avez Emma Meesseman, que j’aime comparer à Kelly Olynyk. J’espère qu’ils prendront tous les deux ça comme un compliment. Je suis fan de leur jeu. Emma a un tel impact ! Elle a la meilleure feinte de dribble de toute la ligue. Elle sait shooter à trois points et vous les marque en rafale. Si je devais choisir un facteur X dans cette équipe, ce serait elle. C’est elle qui fait passer cette équipe de très bonne à légendaire. Ces derniers temps, elle est en pleine bourre, clairement. La Emma des playoffs !

Vous avez Aerial Powers, qui apporte une énergie incroyable. Elle est à fond à chaque instant du match et, croyez-moi, c’est difficile. Elle sait aller au cercle, mais vous devez aussi vous méfier de son shoot extérieur et elle est très adroite sur la ligne. Elle est aussi forte au rebond pour sa position. Aerial est talentueuse et c’est une plus-value en sortie de banc dont peu d’équipes disposent.

Vous avez LaToya Sanders, qui a un style unique que j’adore. Elle se défonce toujours, s’arrache au rebond et a cette combativité sur tous les petits détails que l’on attend de la part d’une joueuse de cette taille, mais elle a aussi des mains incroyables. Elle a un jeu puisssant, mais avec un toucher soyeux à la finition. LaToya apporte aussi son expérience. Elle contrôle le tempo lorsqu’il le faut. Et dans une équipe avec autant de talent, parfois c’est nécessaire.

Vous avez Tianna Hawkins, qui est en quelque sorte la poste 4 moderne parfaite qui écarte le jeu. Elle shoote comme une ailière, mais peut aussi switcher au besoin ou défendre sur sa position. On entend les journalistes parler de la façon des stretch-four et de la manière dont ils changent le jeu. Et bien n’essayez pas de trouver une comparaison en NBA. Tianna est exactement le prototype.

Vous avez Shatori Walker-Kimbrough. J’aimerais qu’elle joue plus ! Elle y est presque. J’adore sa défense et l’étincelle qu’elle apporte. J’ai hâte de voir ce qu’elle sera capable de faire à l’avenir, quand elle sera plus utilisée.

Et enfin, vous avez Kristi Toliver. Je ne vais pas faire semblant d’être objectif sur ce coup-là. Pour tout vous dire, Kristi passe l’intersaison WNBA avec les Wizards, en tant qu’assistant-coach. Je pourrais parler d’elle pendant des heures, mais je vais me contenter de ça. Kristi est l’une des personnes les plus intelligentes que j’ai pu côtoyer dans le basket. C’est un atout incroyable pour moi. Nos façons de jouer et nos personnalités sont tellement semblables… Nous sommes tous les deux des gens avec une nature calme, mais aussi des travailleurs qui veulent gagner à tout prix. Nous savons tous les deux shooter, mais on est aussi fiers de savoir défendre. Parler de basket avec elle au vu de toutes nos similitudes, ça n’a pas de prix.

Elle me met constamment au défi de devenir un meilleur joueur, me pose toujours des colles sur le plan tactique pour affiner mon jeu. “Qu’est ce que tu penses de ce schéma, de la manière dont ils défendent sur toi ? Qu’est ce que tu pourrais faire depuis cet endroit pour que tes coéquipiers soient dans le coup ? Qu’est ce que tu pourrais faire pour être un meilleur leader ? Elle n’hésite pas non plus à me rabrouer quand il faut. “Tu dois shooter dans cette situation”, ou “Tu dois faire cette passe, être plus vocal”, etc… Je suis un bien meilleur joueur depuis que j’ai la chance de travailler avec Kristi, ça ne fait aucun doute.

C’est drôle parce qu’avec le nombre grandissant de femmes employées dans des staffs NBA, les gens me demandent souvent si je serais ‘ouvert’ à l’idée de voir une femme devenir head coach. Ce n’est même pas que je serais ‘ouvert’ à cette idée. Je l’accueillerais à bras ouverts. Je sais de par mon travail avec Kristi, mais aussi de ce que je vois en WNBA, qu’il y a énormément de femmes qui analysent le jeu à un niveau extrêmement élevé. Pour moi, c’est une évidence. Si on prétend être la meilleure ligue du monde, ne devrait-on pas engager les meilleurs talents tout court ? Donc oui, des femmes comme head coaches, je suis complètement pour.  

D’ailleurs, j’espère que quand l’heure sera venue, Kristi Toliver sera en tête de liste.

Il y a une autre chose importante que je voulais aborder. Pour moi, c’est plus important que ces Finales WNBA et quelque part plus important que le basket. Ces femmes doivent être payées. Elles ont besoin d’être traitées comme les stars qu’elles sont.

Beaucoup de gens parlent de notre époque comme celle de l’empowerment des joueurs. J’en suis fier et c’est important et beau. C’est une période où les joueurs NBA peuvent défendre leur position et connaissent leur valeur. Ils n’acceptent plus le statu quo. Mais quelque chose est un peu passé à la trappe dans tout ça. Ou tout du moins n’est pas assez évoqué. Le vrai empowerment, c’est celui de tous les joueurs. Pas simplement ceux de NBA. Pas seulement les hommes. Sinon, qu’est ce que tout ça signifie ?

Je ne veux pas être quelqu’un qui fait partie d’un mouvement qui ne vise que son propre bien, sans se soucier du reste. Comme je l’ai dit, je n’ai pas été élevé comme ça. Je suis fan de WNBA parce que je respecte cette ligue et que j’aime les femmes et leur jeu. Si on veut vraiment montrer son soutien, on ne peut pas le faire à moitié. On ne peut pas dire à quelqu’un : ‘Je te soutiens, mais je ne me soucie pas des problèmes qui te touchent’. A quoi bon ?

Je ne vais pas faire comme si j’étais un spécialiste en économie ou comme si je connaissais tous les tenants et les aboutissants de la charte WNBA et avais réponse à tout. Hey, I support you — but I don’t support the issues you care about.” What good is that?

Ce que je sais en revanch, c’est qu’investir de l’argent dans nos meilleures joueuses de basket, c’est la bonne chose à faire. C’est aussi simple que ça. Ne considérez aucun autre argument. Il s’agit de donner l’exemple aux futures générations. Parce que quand on force les joueuses de WNBA à traiter cette ligue comme un job à temps partiel, on donne aux jeunes filles le message suivant : ‘Devenir forte au basket ne mérite pas que tu perdes ton temps’. C’est un message terrible.

Ensuite, pour gagner de l’argent, il faut en dépenser. Je le répète, je ne suis pas professeur d’économie, mais franchement… C’est un principe que tout le monde peut comprendre. Regardez combien d’argent a été déversé en NBA, en NFL ou dans les autres ligues majeures. Et regardez où elles en sont maintenant. Ce n’est pas arrivé du jour au lendemain. Il a fallu des gens pour investir. Après quelques années, on a constaté une croissance. Pourquoi serait-ce différent avec la WNBA ?

Mon troisième point est le suivant. Il faut comprendre un sujet pour s’exprimer dessus. Vraiment. On voit des gens faire comme si ces femmes étaient cupides et réclamaient 30 millions de dollars par an. Ce n’est pas le cas. Tout ce qu’elles font, c’est réclamer une part plus importante du gâteau. Lorsque nous participons aux négociations en NBA, on parle de cette notion de gâteau avec le terme “BRI”, “Basketball Related Income” (Revenu généré par le basket). Je crois que c’est une bonne façon d’expliquer aux gens ce que recherchent ces femmes. En NBA, nous touchons 50% de ce fameux BRI. En NBA, je crois que c’est moins de 25%. A quel moment est-ce que c’est cupide de demander plus d’égalité ?

Au-delà de ça, ce n’est pas qu’une question d’argent ! Parlez aux joueuses de WNBA et vous verrez que ce qu’elles souhaitent est aussi lié à ce que pourrait faire la ligue ou ce que pourraient faire les franchises. Ce n’est pas lié à l’écriture de chèques. Les déplacements sont un bon exemple. C’est super que la ligue ait mis des vols à disposition pour les demi-finalistes cette année. Mais c’est exceptionnel. Le reste de l’année, ces femmes avec des emplois du temps dingues, des jambes longues et des corps usés par des mois de basket intensif, doivent voyager en seconde classe, recroquevillées, tout autour du pays, match après match.

Je voulais écrire cet article sur les Mystics pour les soutenir pendant ces Finales, mais aussi mettre en lumière la WNBA. Je pense qu’elle n’a jamais été aussi forte. Je sais que la meilleure manière d’aider, pour moi qui suis un homme avec une plate-forme pour m’exprimer, ce n’est pas de simplement parler des bonnes choses. Je dois soutenir mes collègues en WNBA à 100% , alors qu’elles essayent d’améliorer les choses. C’est concret.

Il y a quelques semaines, John et moi sommes allées voir le game 2 entre les Mystics et les Aces en portant des masques d’Elena. C’était juste dingue. Il y avait comme une énergie qui se dégageait de ces masques. Je ne sais pas comment décrire ça autrement. Puis alors que l’équipe continuait son parcours en playoffs, j’ai compris. Ces masques ne sont pas simplement une marque de fabrique pour Elena. Ils représentent en fait toute une équipe. Tout une ville. C’est le symbole qui permet de dire aux gens : ‘On a surmonté ça et on reste debout’. On se moque pas mal de quoi on a l’air. Et on se moque de ce qui s’est passé la saison dernière, lors de la série précédente, au dernier match, ou même sur le dernier tir. On a ces masques et on va les porter. On va se battre jusqu’à ce que nos adversaires ne veuillent plus se battre.

C’est ça, les Mystics. C’est ce moment. C’est cette équipe. Elles sont en Finales pour la deuxième fois de suite. Elles ont un coach qui comprend. Elles ont la MVP et onze joueuses auxquelles tu n’as pas envie de te frotter. Et je pense qu’elles sont sur le point de remporter leur premier titre. Washington D.C., je t’aime. Les Mystics, je suis derrière vous. Franchissons tous ce cap ensemble maintenant. Mettez vos masques.

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