Enfance, rêves compromis et persévérance : Sami Whitcomb se confie sur son parcours

Ce n’est pas tous les jours que nous avons l’occasion de discuter avec une joueuse au parcours aussi original que celui de Sami Whitcomb, la sniper du Seattle Storm, du BLMA et de l’équipe d’Australie.

Faute d’opportunités au sortir de sa carrière universitaire, la native de Californie a songé un temps à renoncer au basket professionnel. Mais à force de courage et de détermination, elle a gravi ensuite les échelons jusqu’à se hisser au sommet de la WNBA.

Sami a eu la gentillesse de revenir avec nous sur cette improbable mais heureuse ascension.

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Sami, comment vas-tu, et les choses sont-elles revenues à la normale pour toi après cette fin de saison très étrange en France ?

Je vais bien, je suis encore très déçue que nous n’ayons pas eu la chance de terminer la saison, comme c’est le cas pour la plupart des athlètes je pense, mais je comprends le sérieux de cette épidémie, et à quel point il était essentiel que nous arrêtions de jouer et prenions les précautions nécessaires. C’est dommage, mais je me console en me disant que c’est une situation qui a touché l’ensemble de la planète, et que tous les athlètes ont dû vivre la même chose. Je suis rentrée à Perth, en Australie, où je me trouve désormais, et j’ai eu l’occasion de passer plus de temps avec ma femme, avec notre famille et nos amis ici. Pendant un temps bien sûr, je n’ai pas pu faire grand chose en termes de basket et d’entraînement physique, mais Perth ayant été une des villes les moins touchées au monde par l’épidémie, j’ai ensuite pu avoir accès à des gymnases et à des terrains de basket. J’ai repris l’entraînement depuis un petit moment déjà. J’aime énormément jouer, donc même si cela m’a fait du bien de faire une courte pause, je suis contente d’avoir repris et de pouvoir m’entrainer pendant cette période d’entre-deux. J’attends d’avoir des nouvelles de la WNBA pour savoir ce qu’il va se passer.

Tu as commencé par jouer au foot quand tu étais enfant. Passer au basket a-t-il été un choix difficile, ou est-ce quelque chose qui s’est fait assez naturellement ?

Cela s’est fait assez naturellement. Je ne prenais plus de plaisir à jouer au football. J’étais encore assez jeune, j’avais aux alentours de dix ans, et ça ne me plaisait plus. Comme j’étais assez grande pour mon âge et que mon frère faisait du basket, je suis tombée dans la marmite assez rapidement, et j’ai de suite adoré. Tous les aspects de ce sport me plaisaient, et je n’ai jamais eu le moindre regret. J’ai commencé à jouer aussi souvent que possible, à m’inscrire dans différentes équipes de loisir, puis une fois au lycée j’ai rejoint des clubs avec lesquels j’ai fait mes premiers déplacements. Ce fut sans doute un moment-clé dans ma vie. À l’époque, je n’en avais pas conscience, mais avoir commencé à jouer au basket fut vraiment un tournant important pour moi.

Tu as affirmé dans une interview que, quand tu étais plus jeune, jouer au basket était un moyen pour toi de passer du temps avec ton père malgré le divorce de tes parents. Considères-tu que ton père a joué un rôle important dans ton évolution en tant que joueuse ?

Oui, il a joué un rôle très important. Nous n’étions pas très proches quand j’étais jeune, nous ne passions pas énormément de temps ensemble, et en grandissant, les seules fois où je le voyais vraiment, c’était quand il venait me voir jouer. Il aime beaucoup le basket, donc je pense que je me disais peut-être inconsciemment que ce serait un bon moyen pour passer du temps avec lui et me rapprocher de lui. J’étais habitée par le désir de le rendre fier et de l’impressionner, et je pense que c’est une des raisons pour lesquelles j’ai travaillé aussi dur. Je pense qu’il a également joué un rôle important en contribuant à faire de moi une joueuse résistante à la douleur. Il fut un de mes premiers coachs en équipe loisir. À l’époque, je n’étais pas une très bonne joueuse, mais je voulais à tout prix attirer son attention, alors je me laissais tomber, je pleurais, ou je réagissais de façon très dramatique si l’on me sifflait des fautes, parce que je voulais qu’il s’approche et qu’il vienne s’occuper de moi. Mais à la place, il me criait dessus devant tout le monde, et disait des choses du genre : « Mais tu ne saignes pas, tu n’as pas la moindre égratignure, alors pourquoi est-ce que tu pleures ? Sois forte. » À chaque fois, j’avais un peu plus honte que la fois précédente, alors j’ai commencé à comprendre que si je souhaitais l’impressionner, il fallait que je sois forte. J’ai donc totalement changé d’attitude, et je pense que je peux dire que je suis devenue une joueuse résistante grâce à cela.

Avais-tu une idole quand tu étais plus jeune, quelqu’un dont le jeu t’inspirait tout particulièrement ?

Diana Taurasi chez les femmes. J’aimais à quel point son jeu était agréable à regarder, à quel point elle travaillait dur : sa passion, son énergie, tout ce pour quoi on la connait. Du côté des hommes, j’ai commencé à m’intéresser au basket à l’époque où Kobe était chez les Lakers et où ils ont fait leur three-peat. J’étais sa plus grande fan quand j’étais petite, je l’avais en poster sur tous mes murs. C’était une de mes idoles du fait de sa Mamba Mentality, de son éthique de travail, de sa hargne et de sa passion. Je ressens une admiration particulière pour les joueurs qui aiment sincèrement le basket, qui sont passionnés, qui ont l’esprit de compétition, et je pense que ces deux joueurs incarnent parfaitement tout ça, c’est pourquoi j’aimais tant les voir jouer plus jeune.

Tu as joué pour l’Université du Washington, près de Seattle, pendant tes études. À l’époque, le Storm était déjà une équipe très compétitive, avec des joueuses de légende telles que Sue Bird ou Lauren Jackson. Est-ce que tu suivais les performances de l’équipe à l’époque, et est-ce une tu as pu assister à certains matchs du Storm pendant ta carrière universitaire ?

Oui, je me souviens parfaitement de ma dernière année à l’université [2010], parce que c’est l’année où le Storm a remporté son deuxième titre. C’était l’été juste après l’obtention de mon diplôme. Je me souviens de les voir jouer : Lauren Jackson qui se baladait sur le terrain, Sue qui était géniale… À chaque fois que j’allais voir un match, l’ambiance, le public, tout était très exaltant : l’équipe était tout simplement incroyable, et les spectateurs aimaient les voir jouer. C’est sans doute à ce moment là que je me suis dit pour la première fois « Wow, jouer à un niveau professionnel est quelque chose d’incroyable, c’est génial, et c’est possible. » Bien sûr, pour cela, il fallait encore que je m’améliore beaucoup, mais voir ce genre d’engouement autour du basket féminin professionnel, c’était vraiment génial. Je me dis que j’ai eu de la chance d’aller à l’université dans une ville où nous avions une équipe de WNBA, car ce n’est pas le cas partout, et dans de nombreuses facs, les joueuses n’ont pas cette fenêtre sur le niveau professionnel pour leur montrer ce qui est possible après la fac.

Ton parcours jusqu’à la WNBA est assez atypique. Tu as arrêté de jouer pendant quelques temps après ta carrière universitaire, puis tu as joué à l’étranger pendant plusieurs années avant de réussir à intégrer la ligue. Jouer en WNBA a-t-il toujours été un de tes rêves, une idée que tu gardais dans un coin de la tête, ou as-tu simplement sauté sur l’occasion quand elle s’est présentée ?

J’ai fait un essai en WNBA juste après avoir quitté la fac, mais j’ai par la suite été coupée de l’effectif, et je ne pouvais pas jouer à l’étranger non plus car mon agent n’avait pas réussi à me trouver de contrat. J’ai donc arrêté de jouer au haut niveau pendant un an : je jouais avec mes amis, je participais à des tournois de pick-up près de Seattle, mais rien de plus. Puis je suis allée en Allemagne, et une fois que j’ai commencé à jouer à l’étranger, oui, c’était une sorte d’objectif, de rêve secret que je gardais dans un coin de mon cerveau. Mais ce que je voulais avant tout, c’était continuer à jouer, et avoir l’impression d’atteindre mon meilleur niveau. Si cela signifiait que, grâce à mon travail, j’étais devenue assez forte pour jouer en WNBA, alors tant mieux, mais comme j’avais donné le meilleur de moi-même, j’étais aussi prête à accepter que peut-être que ce n’était tout simplement pas pour moi. Je voulais surtout continuer à m’améliorer, et avoir la sensation d’exploiter l’ensemble de mon potentiel, quoi que cela veuille dire, même si oui, j’espérais vraiment que ce soit synonyme de WNBA. Je ne m’attendais pas nécessairement à ce que cela arrive, mais je travaillais pour, et c’est pour ça que cela a été un magnifique accomplissement quand six ou sept ans plus tard, j’ai réussi à intégrer le Storm dans une équipe composée de joueuses très confirmées.

Est-ce que cette persévérance dont tu as fait preuve pour jouer au basket au plus haut niveau est quelque chose qui t’aide à chaque fois que tu mets le pied sur le terrain, pendant un match disputé par exemple, ou au cours d’un entraînement difficile ?

Oui, tout à fait. Je pense que c’est une dimension centrale du sport en général. On dit souvent que le sport est une métaphore de la vie, parce qu’on doit y relever de nouveaux défis, on y fait face à des obstacles, et on se retrouve parfois dans des situations difficiles. Les athlètes qui sont résistants et qui savent faire preuve de résilience sont ceux qui arrivent à atteindre le plus haut niveau et qui connaissent le succès. Souvent, les choses ne se passent pas comme nous l’espérions. Bien sûr que j’aurais aimé jouer en WNBA plus tôt dans ma carrière, mais je pense que tant que l’on continue à se battre, on finit par connaître le succès à un niveau ou un autre. En ce qui me concerne, je me disais : « Si je ne lâche pas, si je continue à travailler, je vais finir par y arriver », et j’ai eu de la chance, car c’est à ce moment que ma carrière a évolué. Aujourd’hui encore, je dois faire face à l’adversité, que ce soit en Euroleague, ou en WNBA où chaque saison est un nouveau combat. L’année dernière par exemple, nous avons eu beaucoup de blessures dans l’équipe, et j’ai eu l’opportunité de faire partie du cinq majeur d’un match pour la première fois de ma carrière, ce qui était encore une nouvelle étape. Oui, les entraînements sont parfois difficiles ; il y a des jours où l’on ne se sent pas bien, où l’on est fatigué, ou pas à son meilleur niveau, mais il faut persévérer, il faut venir faire son travail. Je pense que c’est là toute la beauté du sport : il y a toujours un nouvel obstacle à franchir, toujours quelque chose qui demande que l’on devienne meilleur.

Tu as joué dans de nombreux pays, dans différents championnats, dans des équipes où tu as eu des rôles divers, que ce soit être une scoreuse, une shooteuse, ou une joueuse qui apporte de l’énergie en sortie de banc. Penses-tu qu’avoir connu des situations si diverses est quelque chose qui t’a permis de t’améliorer, et as-tu également apprécié l’ouverture culturelle que représente le fait de jouer à l’étranger ?

J’ame beaucoup jouer à l’étranger, c’est quelque chose de très agréable pour moi : voyager, rencontrer de nouvelles personnes, découvrir de nouvelles cultures, je pense que tout cela est très important, et que cela a contribué à faire de moi une personne plus éclairée, plus ouverte. Sur le plan sportif également, cela me donne l’occasion d’endosser différentes responsabilités et de m’améliorer dans différents secteurs. On me demande parfois de guider l’équipe en prenant la parole, parfois on me demande d’être un élément moteur sur le terrain. Parfois l’équipe a besoin que je marque beaucoup, et parfois que je fasse un peu de tout : que j’attaque, que je sois présente en défense, que je prenne des rebonds et fluidifie le jeu. Je pense que c’est toujours bien d’avoir l’occasion de se réinventer en tant que joueuse. Parfois, les coachs demandent que l’on fasse quelque chose qui n’est pas dans nos habitudes, mais c’est une bonne occasion de devenir une meilleure joueuse, plus complète et plus versatile.

As-tu vécu des chocs culturels en jouant à l’étranger, en France par exemple ?

Je ne sais pas si c’était véritablement un choc, parce que j’en avais déjà entendu parler, mais la pause entre midi et deux, quand les magasins ferment et l’activité s’arrête pendant quelques heures, c’était nouveau pour moi, ainsi que le fait que tout aille plus lentement en général. Ça arrivait par exemple qu’on se retrouve le soir pour manger à 20h, et qu’ensuite tout le monde reste à discuter pendant quatre ou cinq heures. Alors que si on dit qu’on se retrouve à 20h pour dîner, je suis plutôt habituée à arriver vers 19h45, pour manger à 20h, et je m’attends à ce que vers 21h30 nous ayons fini. Ici, quelqu’un disait parfois qu’on se retrouvait pour manger à 20h, puis j’arrivais à 20h et on me disait « ah, on ne va pas arriver avant une heure », et dans ma tête je me disais « Comment ca?! ». Ce furent sans doute les plus grosses différences culturelles que j’ai observées.

Tu es aujourd’hui une shooteuse très efficace, au tir très rapide : est-ce que cela a toujours été ton point fort, ou est-ce une qualité que tu as développée au fil des années ?

C’est vraiment quelque chose que j’ai développé au fil des années. À la fin de mes années lycée, j’étais bien plus quelqu’un qui allait vers le cercle, qui prenait des rebonds, qui provoquait des fautes. Personne ne m’aurait qualifiée de shooteuse. Puis au cours de ma première année à l’université, mon coach m’a dit que si je voulais gagner du temps de jeu, il fallait que je devienne une bonne shooteuse à trois points. À partir de ce moment là, j’ai passé énormément de temps dans le gymnase à m’entraîner, j’ai travaillé et travaillé mon tir, jusqu’à ce que cela devienne un de mes points forts. Ce n’est qu’après que j’ai commencé à travailler sur ma vitesse d’exécution, parce qu’une fois que les défenses adverses savent que tu es une bonne shooteuse, elles essaient bien sûr de t’empêcher de tirer. Je me suis donc vraiment concentrée sur ça, et avec le temps, tirer vite — tout en essayant de marquer — a fini par devenir un de mes points forts.

Ton épouse Kate et toi avez récemment annoncé que vous attendiez un petit garçon. Tout d’abord, félicitations. À quel point point es-tu impatiente, et t’attends-tu à ce que devenir mère soit une nouvelle grande aventure dans ta vie ?

Nous sommes très impatientes. Bien sûr, le processus fut assez long, comme pour toutes les personnes qui ont recours à une FIV, mais nous sommes très heureuses et très reconnaissantes d’avoir été en mesure de procréer de cette façon. Bien sûr, on sait que la maternité va apporter son lot de défis, mais on pense que ce sera la plus belle aventure que l’ont aît vécue toutes les deux jusqu’à présent. On aimerait avoir plusieurs enfants, donc ce ne sera que le début pour nous. Il n’y a que des filles dans la famille de Kate pour le moment, donc on est très contentes d’attendre un petit garçon. On aimerait continuer à voyager au cours des années à venir tant que je joue à l’étranger, être tous les trois et vivre des aventures ensemble tant qu’il est encore petit et qu’on peut l’amener partout avec nous.

Tu as beaucoup de fans ici en France, où de nombreuses personnes suivent la WNBA de façon très active. Pour certains, nous te connaissions avant même que tu joues en LFB. Est-ce que c’est une chose à laquelle tu t’attendais, où est-ce que ce fut une surprise pour toi ?

Oh, je ne savais pas, donc ça fait plaisir d’entendre ça. J’aime beaucoup interagir avec les fans, quelle que soit l’équipe ou la ville dans laquelle je me trouve. Les fans de Seattle sont géniaux, et j’ai beaucoup aimé rencontrer certains des fans du BLMA également. J’ai trouvé les supporters français très gentils dans leur ensemble, et prêts à encourager toutes les personnes qui jouent en France. Il semblent avoir une très bonne connaissance du sport. J’ai beaucoup aimé voyager dans les différentes villes de France, donc c’est super d’entendre que le plaisir fut partagé.

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