Vickie Johnson, pionnière de WNBA et nouvelle coach des Wings, nous raconte son histoire

Depuis la fin de l’aventure dans la Wubble de Bradenton pour la saison 2020 en WNBA, il n’y a eu qu’un seul changement de coach dans la ligue, mais pas des moindres. Brian Agler et les Dallas Wings se sont séparés et c’est Vickie Johnson, jusqu’ici assistante de Bill Laimbeer à Las Vegas, qui a été nommée à la tête de l’équipe texane. L’arrivée de “VJ” à Dallas n’est pas anodine à plusieurs égards.

Pour commencer, elle sera la seule femme noire à coacher dans une ligue où la majorité des joueuses sont Afro-américaines. Mais ce n’est pas uniquement parce qu’elle symbolise ce combat essentiel que son retour aux affaires est marquant. Vickie Johnson est l’une des pionnières de la WNBA et une ancienne joueuse que le grand public ne connaît que trop peu. Deux fois All-Star et membre essentiel à New York et San Antonio, l’ex-meneuse a aussi une longue et belle carrière à l’étranger à son actif, avec notamment plusieurs saisons en France, du côté de Tarbes et Bordeaux.

On voulait absolument vous faire découvrir l’histoire et le parcours de Vickie, qui a eu la gentillesse de nous accorder un entretien peu après sa nomination à la tête des Wings. Les fans de Dallas peuvent être rassurés. Leur nouvelle head coach est une femme de tempérament et animée par un feu intérieur qui pourrait bien faire des Wings un candidat au titre bien plus vite que prévu…

Parler de basket avec Vickie Johnson était un régal et on espère que vous apprécierez !

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Vickie, les plus jeunes fans te connaissent probablement comme coach, mais tu étais une All-Star et une joueuse magnifique dans les premières années de la ligue. Est-ce que tu peux nous ramener un peu à cette ère et nous dire ce qui était différent d’aujourd’hui ?

(Elle sourit) Je ne suis pas si vieille, je n’ai que 48 ans. Mais je suppose que l’on peut parler d’ère, n’est-ce pas ? J’ai commencé dans la ligue en 1997. J’ai joué 13 ans en WNBA, 15 ans à l’étranger et j’ai coaché pendant 10 ans. Je pense que la plus grande différence entre ma génération et la génération actuelle se fait au niveau de la responsabilité, du fait de rendre des comptes. Nous n’avions pas besoin des coaches pour nous responsabiliser, on le faisait l’une pour l’autre dans la manière dont on jouait, dont on abordait le jeu et l’entraînement. Je trouve que c’est quelque chose qui manque aujourd’hui. Les joueuses veulent toutes être amies. Elles ont peur de perdre des amitiés si elles sont trop honnêtes. Ensuite, il faut reconnaître que ces joueuses sont bien plus athlétiques que nous l’étions. Elles sont capables de sauter haut, elles vont plus vite et sont plus fortes physiquement. Ce sont des athlètes incroyables.

Tu as fait partie d’équipes très talentueuses à New York et San Antonio. Quelles sont les joueuses qui t’ont le plus impressionnée à l’époque ?

Quiconque me connaît sait que je suis obligée de répondre Cynthia Cooper. Elle était incroyable. Je crois qu’elle a 6 ans de plus que moi et j’ai eu la chance de pouvoir l’affronter dès ma première année en France. Elle jouait en Italie. Une fois en WNBA, elle était phénoménale. C’était de loin l’adversaire la plus forte que j’ai dû affronter. Je dois aussi citer Tamika Catchings. J’ai dû défendre sur elle alors que je fais 1,75 m et elle 1,85 m. Elle jouait chaque action comme si c’était la dernière… C’était un vrai défi pour moi. Je dirais aussi Michele Timms (joueuse de Phoenix entre 1997 et 2001, NDLR). Peu de gens parlent d’elle. Tu ne la connais peut-être même pas d’ailleurs. C’était une Australienne. Une meneuse très rapide qui aimait shooter du milieu de terrain… Elle était plus âgée mais comprenait merveilleusement le jeu.

Cynthia Cooper était incroyable. […] Tamika Catchings jouait chaque action comme si c’était la dernière.

Faisons un autre voyage dans le temps. Tu es née et tu as grandi en Louisiane. Tu as aussi étudié à Louisiana Tech. Quelle importance a la Louisiane dans la personne et la joueuse que tu es devenue ?

Elle est très importante. C’est là que je suis née, où j’ai été élevée et où les fondations de ma vie ont été posées. Si je suis cette personne aujourd’hui, c’est grâce à ma mère, ma grand-mère et mon oncle, mais aussi au staff de Louisiana Tech. Ils m’ont inculqué beaucoup de valeurs. C’est mon oncle qui m’a appris à jouer au basket. Il m’a montré la bonne manière de jouer et c’est pour cette raison que je suis aussi compétitrice. J’ai horreur de la défaite et c’est aussi une chose qu’il m’a apprise : avec le bon état d’esprit et de la détermination dans ton coeur, tu peux battre n’importe qui. Tu dois aussi étudier le jeu de ton adversaire. C’est pour ça que je suis l’une de ces coachs qui sont toujours bien préparées. J’observe mon adversaire et je peux te dire ses forces et faiblesses après trois ou quatre possessions.

J’ai entendu dire que tu étais aussi très douée dans une autre discipline quand tu étais plus jeune : l’athlétisme. Est-ce que tu as dû faire un choix ou le basket a toujours été une évidence ?

Je ne sais pas si tu veux que je réponde à ça, des jeunes nous lisent peut-être (rires). Alors voilà l’histoire. Mon coach au lycée était un joueur pro de football américain. Il est de Lousiane et c’est lui qui est devenu mon coach de basket au lycée. J’ai dû choisir un autre sport, soit l’athlétisme, soit le softball. Je ne voulais pas jouer au softball, c’est trop lent ! J’aimais l’action, alors j’ai pris l’athlétisme. C’était une expérience géniale, mais aussi la pire expérience de ma vie. Je suis une personne extrêmement compétitrice. Pour me qualifier pour les championnats régionaux et ceux de Louisiane, je devais être à fond, concentrée et y passer beaucoup de temps. Tous les jours j’étais dehors à travailler et à courir en montant et descendant les tribunes. Je me suis qualifiée pour les championnats de Louisiane. A l’école, je n’avais même pas de matériel d’entraînement pour le saut en hauteur. Donc j’ai tout fait au talent. Je suis arrivée cinquième et en sortant de la piste à LSU, j’ai dit au coach : “Je vais revenir l’année prochaine pour gagner au saut en hauteur et au saut en longueur, puis je dirai stop“. Il était en mode : “OK VJ, c’est ça, c’est ça”. L’année suivante, je suis revenue. J’ai gagné le saut en hauteur, le saut en longueur et je me suis barrée (elle rit). Je me suis ensuite consacrée au basket pendant mes années junior et senior, j’avais déjà donné mon accord à Louisiana Tech, qui était la meilleure équipe universitaire du pays à l’équipe.

Tu as un superbe CV universitaire avec une finale en NCAA en 1994 (perdue contre North Carolina, NDLR), comment se fait-il que tu sois venue jouer en France, à Tarbes ?

J’ai été draftée en ABL en 1996. Bruce Levy, qui était l’agent de 80% des joueuses à l’époque, m’a demandé si je voulais jouer en ABL ou tenter la NBA. Je lui ai répondu que je croyais en la WNBA, mais que je voulais d’abord prendre de l’expérience à l’étranger. Donc il m’a envoyé en France. C’est la meilleure expérience de ma vie. Je ne jouais plus avec des enfants, mais avec des adultes. Quelques unes des meilleures joueuses de l’équipe nationale américaine étaient passées par là aussi (Dawn Staley ou Teresa Edwards par exemple, recrutées par Jean-Pierre Siutat, coach puis General Manager de l’équipe, NDLR). Mon coach était super. Je suis revenue l’année suivante et j’ai aussi joué à Bordeaux. J’adore la France. J’ai toujours apprécié la gentillesse que les gens m’ont témoignée. Je serai à jamais reconnaissante d’avoir pu jouer là-bas et j’ai hâte de voir les Jeux Olympiques à Paris en 2024.

Comment s’est passée la transition pour toi entre ta vie aux Etats-Unis et le moment où tu es arrivée en France ?

Je viens d’une petite ville de Louisiane. Donc le plus important pour moi était d’être à l’aise et ça a été le cas. Je n’étais pas une joueuse qui aimait faire la fête ou sortir. Je suis quelqu’un qui aime rester en famille. Tant que j’avais mon poulet, mon poisson, mes légumes, mes films à regarder et la possibilité de parler à ma famille, c’était facile ! La transition n’a jamais été difficile. J’ai joué pendant 15 ans à l’étranger et j’y suis même retournée deux ans de plus après ma retraite de WNBA. J’ai adoré ça et je me suis fait beaucoup d’amis.

Tu as joué en Israël, en Turquie, en Hongrie… Que t’ont apporté ces expériences sur le plan personnel et professionnel ?

Je n’ai jamais eu de mauvaise expérience à l’étranger. Toutes les équipes pour lesquelles j’ai joué étaient d’élite. Même quand je suis allé jouer en Israël, pour Ramat Acharon, une équipe de deuxième division qui venait de monter en première division et avait encore des joueuses du niveau inférieur dans l’équipe, c’était incroyable. On a terminé troisièmes du championnat. J’ai dû bosser dur pour aider tout le monde à atteindre son meilleur niveau (rires). J’ai vraiment eu de la chance parce que les choses ne sont pas simples là-bas aujourd’hui. Pour la Hongrie, j’ai une pensée pour mon ancien assistant à Pecs, qu’il repose en paix. Il y a eu un grave accident de la route. Lui et une personne du management sont décédés et beaucoup de joueuses ont été blessées. L’accident s’est produit sur cette même route que l’on prenait tous les jours quand j’y jouais. J’ai eu de la chance de ne pas en être. C’est extrêmement triste.

Pour les gens qui n’ont pas eu la chance de te voir jouer à l’époque, comment est-ce que tu décrirais ton jeu ? A qui est-ce que l’on pourrait te comparer ?

Si on parle de NBA, je suis un mix entre Paul Pierce et Dwyane Wade. Une joueuse avec un shoot à mi-distance, l’instinct de tueuse, un jeu clutch, sans peur et qui ferait tout pour gagner, même si je dois tricher (rires). Je plaisante, mais je pouvais envoyer des coups de coude et te percuter quelques fois s’il fallait…

Quelles joueuses ont été tes modèles quand tu as démarré ta carrière ?

Teresa Edwards était l’une des mes joueuses préférées avec Bridget Gordon. J’idolâtrais ces filles-là. Cheryl Miller était incroyable, les jumelle McGee, Pam et Paula, Teresa Weatherspoon, qui a joué à Louisiana Tech et dont j’ai beaucoup appris… Ces joueuses avaient toutes un style différent, mais elles avaient en commun un instinct de tueuses. Elle jouait au basket comme il doit être joué. J’espère avoir joué de cette manière aussi. J’ai tout donné sur le terrain et quand j’ai pris ma retraite, j’étais heureuse de pouvoir dire que je n’avais plus d’essence dans le moteur.

Parlons du présent. Tout le monde parle du fait que tu seras la seule femme noire à coacher en WNBA la saison prochaine. Les femmes noires sont toujours trop peu représentées dans les postes à responsabilité dans la société. Penses-tu que les choses sont en train de changer ?

Oui, c’est certain. Les Dallas Wings vont dans la bonne direction. Ils sont en train de changer la culture et c’est ça qui compte. Il faut poser une pierre après l’autre. Je vais essayer d’être un modèle, mais pas seulement pour les femmes noires. Pour toutes les femmes. Au final, je suis une coach. J’ai 25 ans d’expérience et à travers moi, j’espère que de plus en plus d’équipes vont croire en nous et en notre capacité à être des leaders, des modèles et des enseignantes. L’idée c’est d’être un modèle pour tous les enfants, en tant que femme. Pas seulement pour les filles, mais aussi pour les garçons qui verront quelqu’un qui leur ressemble : une personne de couleur qui a été une athlète, avec de la personnalité et des croyances.

Je vais essayer d’être un modèle, mais pas seulement pour les femmes noires, pour toutes les femmes

Du coup, qui est Vickie Johnson la head coach ?

Je suis quelqu’un d’honnête, qui travaille dur et qui est très préparée sur et en dehors du terrain. Je crois que la préparation est la clé pour tout. Le temps que l’on consacre au jeu en tant qu’équipe et en tant qu’individus va payer sur le long terme. L’équipe doit passer en premier. Je veux que tout le monde se sente responsable, des joueuses jusqu’au staff. C’est important pour moi que l’on ne soit pas dans une posture de victime et que l’on fasse tout pour rendre l’équipe meilleure et gagner. Qu’il y ait victoire ou défaite, on sera gagnantes parce qu’on aura appris quelques chose. Beaucoup de gens envisagent une défaite comme une défaite. Non, c’est une expérience d’apprentissage pour progresser. J’ai une règle qui dit qu’on ne passe pas plus de 24 heures sur un match. Que l’on gagne ou que l’on perde, on avance. On regarde la vidéo, on discute et on avance. Il y a trop de moments dans le sport et dans la vie où on s’attarde sur le passé, sur ce qui s’est passé il y a 10 ans ou il y a 20 ans… Même au niveau relationnel. Qu’est ce que ça peut faire ? On avance. Les gens restent bloqués sur ces moments et ce n’est pas quelque chose que l’on peut se permettre en WNBA. La saison et trop courte pour ça.

Le jour de ta présentation, tu as déclaré vouloir faire des Wings une équipe qui joue le titre. Quand penses-tu que Dallas sera un contender ?

Dès maintenant ! Je suis une compétitrice. Je sais que cela va prendre du temps et que j’ai un groupe de filles jeunes. Mais elles sont très talentueuses et passionnées. Dans mon équipe, il y a beaucoup de joueuses qui ont joué dans les plus prestigieuses universités de NCAA : Notre Dame, UConn, South Carolina ou Tennessee, la Mecque du basket universitaire féminin. Ce sont des programmes gagnants. Donc mes joueuses savent comment on gagne et je dois les amener à un niveau où elles seront en mesure de gagner. Tu ne peux pas avoir été dans une fac comme celles-là et ne pas avoir appris la culture de la gagne et l’esprit de compétition.

Le cinq de départ de San Antonio en demi-finale contre Phoenix en 2009. Quelques têtes familières, non ?

Chez Swish Swish, la moitié de la team est Belge et l’autre moitié est française. Que peux-tu nous dire sur tes anciennes coéquipières Ann Wauters et Edwige Lawson-Wade ?

Beaucoup de gens ne le savent pas pas mais j’ai joué avec Edwige à Bordeaux quand elle avait 17 ans ! C’était déjà une jeune meneuse pleine de passion. Je ne suis pas surprise qu’elle soit dans cette position de General Manager aujourd’hui et qu’elles soit un modèle pour les joueuses françaises. Ann Wauters… (elle affiche un grand sourire) Je l’adore, c’est une soeur pour la vie. J’ai eu l’occasion de jouer avec elle à New York et à San Antonio. Je l’aime à la mort. J’aime sa famille et tout ce qui concerne Ann. Lors de ma dernière saison en WNBA en 2009, elle était arrivée plus tard dans la saison. Elle ne savait pas que j’allais prendre ma retraite. Elle se sentait vraiment mal. “L’année prochaine, j’arriverai plus tôt !” ‘Non Ann, c’est terminé pour moi’. “Quoi ?! Personne ne m’a prévenue, j’aurais pu arriver plus tôt cette saison !”Oh, vraiment Ann ? (rires)‘ Elle a pleuré et m’a suppliée de revenir la saison suivante pour jouer. Je lui ai répondu : “Ann, c’est fini pour moi. Je n’ai plus rien dans le moteur. Je veux coacher et rendre ce que je peux à ce sport qui m’a tant donné”.

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