Angel McCoughtry : “Je m’entraîne pour revenir sur le terrain”

Angel McCoughtry n’est pas à la retraite et elle nous l’a fait savoir dans cet entretien qu’elle nous a accordé. L’ancienne superstar d’Atlanta nous a parlé de son actualité, de son parcours inspirant des playgrounds de Baltimore jusqu’à la meilleure ligue du monde et aux campagnes avec Team USA, mais aussi de ses projets. Angel n’est pas seulement l’une des 25 meilleures joueuses de l’histoire désignées par la WNBA, c’est également une entrepreneure hyperactive, tournée vers la transmission, une musicienne et une productrice de films. Rien que ça !

Merci de me recevoir, désolé d’avoir dû reporter la dernière fois.

Aucun souci. Je suis déjà super heureux que tu nous accordes du temps. C’est vraiment cool.

Bien sûr, c’est normal.

Merci encore d’être là aujourd’hui, c’est super. Je suis sûr que je ne suis pas le seul, mais te voir sur les terrains WNBA me manque. Je suis certains que les fans pensent pareil et se demandent comment tu vas et ce que tu fais en ce moment. Qu’est-ce que tu peux nous dire là-dessus ? 

Je m’entraîne pour revenir sur le terrain. Tout le monde pense que je suis à la retraite, mais ce n’est pas le cas ! Je vais revenir et je prendrai ma retraite selon mes propres termes. Donc je m’entraîne et j’ai aussi pris le temps de gérer mes activités business à côté de ça, donc c’est bien. 

Tu étais avec Team USA pour un mini-camp il y a quelques semaines. Comment ça s’est passé ?

Ça s’est bien passé, je voulais venir un peu. Ils m’ont fait une faveur en permettant de voir ce dont j’étais capable contre les filles de l’équipe. Je pense avoir été bonne et j’ai tenu la distance. On a pu voir que je pouvais encore jouer contre tout le monde. 

Donc il y a une chance pour que l’on te voit dans la ligue l’année prochaine ou même à l’étranger avant ça ?

Oui, je pense qu’il y a toujours une chance. Jusqu’à ce que je dise aux gens que c’en est terminé pour moi et que je suis retraitée, il y en a une. 

L’année dernière il y avait cette nouvelle à ton sujet, qui disait que tu avais rejoint le groupe américain qui avait racheté Pau. Je t’imaginais déjà jouer en France à un moment. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu as songé, et est-ce que c’est toujours possible ?

Oui, je m’étais greffée au groupe qui possédait l’équipe de Pau. J’aurais aimé m’impliquer plus. Il s’est passé quelque chose et ils ont vendu leurs parts. Mais maintenant je veux venir en Europe et posséder ma propre équipe, pour faire les choses à ma façon, être capable d’aider, qu’il y ait plus d’équipes féminines en Europe et qu’elles aient plus de succès. On a besoin de plus de femmes propriétaires d’équipes en Europe. Il n’y en a pas beaucoup. Je veux faire en sorte que ça change, surtout en tant que femme noire.

N’hésite pas à venir en France, on t’accueillera à bras ouverts et je suis sûr que beaucoup d’équipes aimeraient t’avoir ! En Europe, les gens ne le savent pas forcément, mais tu n’es pas seulement une joueuse de basket. Tu es aussi une entrepreneure, une productrice de films, tu fais de la musique, l’un de tes morceaux était sur NBA 2K23, je t’ai vu en tant qu’analyste sur NBA TV, tu possèdes une enseigne de glaces, tu es ambassadrice pour la fondation des femmes dans le sport, tu as ta propre fondation… Même quand le basket n’est pas dans l’équation, tu es incroyablement occupée. Comment est-ce que tu gères tout ça et sur quoi te concentres-tu en ce moment ?

Je crois que j’arrive à gérer tout ça en ayant de bonnes personnes, une bonne équipe autour de moi. J’ai maintenant quelqu’un pour gérer le magasin de glaces, mon père est le manager de ma société de production de films, avec une équipe de jeunes qui débutent dans ce monde-là. Donc l’essentiel c’est d’avoir une bonne équipe autour de toi. J’en profite pour prévenir les gens qui nous écoutent : le film s’appelle “Lanier”, il est sur Amazon, vous pouvez le regarder dès à présent. C’est l’histoire d’un lac hanté en Géorgie et plein de choses se produisent autour de ça. C’est un bon thriller, si vous ne l’avez pas encore vu. Vraiment, j’ai commencé à être plus occupée après ma première rupture du ligament croisé. J’étais assise chez moi en me demandant : qu’est-ce que je vais faire ? Je ne fais que jouer au basket ! Qu’est-ce que je peux faire ? Donc j’ai dit : laissez moi explorer différentes choses parce que je veux rester active si je ne peux pas jouer. Si je ne peux pas me servir d’un ballon de basket, qu’est-ce que je peux faire ? J’ai commencé à créer différentes choses plaisantes.

Comment la musique est-elle venue à toi ? Est-ce que ça a toujours été un projet pour toi ? Est-ce que tu chantais plus jeune ?

Non, je ne chantais pas, mais il y a 10 ans – les gens ne savent pas que je fais de la musique depuis longtemps – j’ai commencé à voir des gens enregistrer des morceaux et je me suis dit que je voulais essayer de faire ça aussi. J’ai fait ma première chanson et tout le monde m’a dit : ‘Mais tu es capable de faire de la musique !’ J’ai aimé ça et j’ai voulu continuer à en faire, mais certaines personnes m’ont dit : ‘Qu’est-ce que tu fais ? Joue au basket ! Tu es joueuse de basket pourquoi est-ce que tu fais ça ?’ Mais je suis heureuse de ne pas les avoir écoutés parce qu’on peut faire d’autres choses dans la vie. Plein. La vie n’est pas limitée à une seule chose. N’est-ce pas ? J’ai eu un morceau sur NBA 2K et d’autres choses. Je prévois de faire plus de musique et j’ai envie que ce soit dans des films, des publicités. Je l’espère. 

Est-ce que tu prévois de jouer ta musique devant des gens ?

Oui, mais comme tu dis, je suis tellement occupée ! Je n’ai pas le temps de faire un show ou quelque chose comme ça, mais peut-être quand je serai à la retraite. J’aurai plus de temps pour faire ça, venir en France faire un show.

J’avais vraiment hâte de me plonger avec toi dans tes souvenirs pour parler de ta formidable carrière, même si elle n’est pas finie, je l’ai bien compris. Tu as l’une des plus belles carrières de l’histoire de la WNBA selon moi. Est-ce que tu peux me ramener là où tout a commencé, à Baltimore. A quel point Baltimore a influencé ton style de jeu et ta mentalité sur le terrain ?

Beaucoup de gens ne le savent pas, mais je viens de Baltimore, dans le Maryland, près de Washington DC. C’est vraiment une ville de basket. La côte Est, c’est le basket. De New York jusqu’à Miami, c’est le basket. La côte Est est connue pour son basket très dur, accrocheur. Plus que la côte Ouest du pays ou le Midwest. En grandissant à Baltimore, j’ai pu jouer avec des garçons et ils m’ont acceptée. Ils ne se sont pas dit : ‘Oh, c’est une fille’. Ils m’ont rendue dure. Grâce à ça, quand j’ai commencé à jouer contre des filles, j’étais déjà dure parce qu’ils m’ont traitée comme leur égale. Tu ne verras pas beaucoup d’endroits où c’est le cas. Les gens te disent ‘Oh, c’est une fille’. Eux ne l’ont pas fait. Je pense que c’est pour ça que jouer à Baltimore m’a beaucoup aidée. 

Est-ce qu’il y a des joueurs pros de Baltimore que tu admirais ? 

Oui. J’ai grandi avec Carmelo Anthony. Avec Rudy Gay. Ce sont deux des plus connus. J’ai vu beaucoup de joueurs sortir de cette ville. Il y avait aussi Kevin Durant, qui est de Washington. Ces joueurs adorent le basket féminin. Ils le traitent de la même manière et le respectent. Je pense que c’est pour ça que je suis devenue comme ça. 

Est-ce qu’il y avait des joueuses que tu aimais et voulait imiter ?

Je me souviens que je devais avoir 12 ans et tous les gars sur le terrain me disaient : ‘Il y a cette ligue, la WNBA, tu pourrais y jouer’. Je ne savais pas ce que c’était. ‘C’est la NBA, mais pour les filles !’ ‘Oh, vraiment ?’  ‘Oui, va regarder à la télé’. J’ai commencé à regarder et j’ai vu Lisa Leslie, Dawn Staley, Cynthia Cooper, Sheryl Swoopes, tellement de grandes joueuses… Et je me suis dit : ‘Elles sont grandes comme moi ! Je n’ai plus à me sentir bizarre. Parce que j’étais très grande et toutes les filles étaient petites, donc je me sentais différente. Quand je les ai vues, j’ai ressenti de la confiance en moi parce que j’étais comme elles. Donc ça m’a beaucoup aidée. 

Pour revenir à Baltmore, en Europe ce que l’on connaît de Baltimore, c’est surtout ce que l’on en a vu à la TV, dans la série “The Wire”…

Oui, et ce n’est pas la réalité ! A chaque fois que les gens me disent que je viens de la ville où se passe The Wire, je leur dis que c’est une série. Si vous allez sur Google, vous verrez toutes les belles choses qu’il peut y avoir à Baltimore. Il y a la mer, de bons fruits de mer… Notre spécialité, ce sont les crab cakes. Les gens à Baltimore sont très gentils, travaillent dur… Chaque ville a ses bons et ses mauvais côtés. Tu peux faire une série sur l’Arkansas, ou sur Miami. Si tu ne montres que les mauvais côtés, les gens vont penser que c’est comme ça, alors qu’il y a toujours des bons côtés dans une ville. En France, c’est pareil, tu as des bons côtés à chaque ville et tu peux écarter les mauvais, n’est-ce pas ?

Oui, c’est pareil. Je me suis toujours demandé, ces matches de basket entre l’Est et l’Ouest de Baltimore dans The Wire, ça existe vraiment ?

C’est plutôt qu’il y a une rivalité où tu vas dire que tu es de l’Ouest et l’autre dira qu’il est de l’Est et on en plaisante. Pas comme dans la série. Ce sont surtout des bavardages.

Quand est-ce que tu as commencé à réaliser que tu étais bien plus forte que la plupart des joueuses de ton âge et que tu avais une vraie possibilité de devenir professionnelle ?

Plus jeune, je n’étais pas meilleure. J’étais très normale. Le coach ne me faisait pas beaucoup jouer, je n’étais pas la star. Mais en arrivant au lycée… Je dirais que vers 12 ans j’ai commencé à être meilleure et les gens se sont dit : ‘Oh, elle devient bonne’. C’est venu naturellement. Au lycée, je n’étais pas une All-American ou dans le top 10 de la liste, j’étais normale. Je n’allais pas aller à Tennessee ou UConn avec Geno (Auriemma) et Pat Summitt. A l’époque, il y avait… 

Une rivalité.

Oui, une rivalité. Ils n’ont pas essayé de me recruter. Je n’étais pas un grand prospect comme peuvent le penser les gens. Mais je savais que je pouvais jouer comme ces filles, que j’étais aussi forte qu’elle, même si je n’avais pas droit à la même attention. Quand je suis allée à la fac, à Louisville, ce n’était pas une fac très forte, comme Louisville l’est aujourd’hui. C’était une équipe normale, qui n’allait pas au-delà du 1er tour du Tournoi NCAA. Mais quand je suis arrivée, je me suis dit que je voulais changer ça et faire de Louisville l’une des meilleures équipes. Et bien aujourd’hui, tu peux voir que c’est l’une des meilleures ! 

Tu as mis Louisville sur la carte, en fait. 

Oui. Quand je dis aux gens que j’ai été à Louisville, ils me disent : ‘Oh, tu as été dans une bonne équipe’. Alors qu’à l’époque, quand j’ai dit que j’allais à Louisville, on me demandait où était cet endroit. Je répondais que c’était au Kentucky. Aujourd’hui, tu peux voir la différence ! 

Il y a d’autres universités que tu as pensé rejoindre à part Louisville ?

Oui, mais il n’y avait pas vraiment de grande fac de l’époque, comme St John’s. Donc j’ai choisi d’aller dans une fac qui n’était pas réputée chez les filles et la rendre populaire. Louisville était connue pour son équipe masculine, avec Rick Pitino, ou son équipe de foot US. Mais pas le basket féminin, tout le monde s’en fichait. Maintenant ils ne s’en fichent plus. 

Louisville c’est donc l’endroit où tu as vraiment commencé à faire du bruit. Tu as fait une incroyable carrière là-bas, surtout ton année senior avec ce super parcours jusqu’à la finale contre UConn. Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à tes années avec les Cardinals et à cette expérience en NCAA ? On n’a pas ça en Europe donc c’est toujours fascinant d’entendre les joueuses en parler.

C’est une super sensation, comme un rush d’adrénaline, d’être une équipe d’outsiders et de continuer à gagner alors que personne ne t’en pense capable. Ce sont les meilleures histoires. Battre Courtney Paris et Oklahoma, alors qu’elle avait dit à tout le monde que si elle ne nous battait pas, elle allait rendre l’argent de sa bourse universitaire. Elle ne nous a pas battues ! La meilleure chose, c’est qu’on soit allées aussi loin alors que personne ne pensait qu’on pouvait le faire. On a atteint la finale, mais c’était à une époque où tous les meilleurs talents allaient à UConn ou Tennessee. Aujourd’hui, c’est différent. Le talent est réparti. LSU, Maryland, Notre Dame… Mais à l’époque il n’y avait que ces deux équipes-là. Donc UConn avait toutes les meilleures joueuses et c’était dur de les battre, mais je suis contente d’avoir eu l’opportunité de jouer une finale. Si ça avait été aujourd’hui, j’aurais pu gagner ce titre. Mais à l’époque, tout le monde allait dans cette fac. 

Elles avaient une sorte de super team, avec Maya Moore, Tina Charles, Renee Montgomery… 

Non mais franchement…

Ce n’est pas du jeu.

Elles avaient une trop grosse équipe, maintenant c’est plus homogène et tout le monde a de bonnes joueuses. 

Pourtant, c’est toi qui a été n°1 de la Draft dans la foulée, devant ces joueuses incroyables. Comment tu as géré ces attentes, cette pression autour de toi, même si c’est quelque chose que tu as aussi dû gérer à Atlanta pendant des années, comme franchise player ?

Je pense que je montrais que ça devait être moi la n°1. D’autres joueuses auraient pu l’être : Marissa Coleman de Maryland, Renee Montgomery de UConn, DeWanna Bonner, avec Auburn… Il y avait tellement de bonnes joueuses. J’ai fait en sorte que ça se produise. J’en parlais tous les jours. Je le marquais sur du papier. Je le sentais, je respirais pour être 1st pick tous les jours. C’est pour moi. Je vais aller à Atlanta. Quand j’ai entendu mon nom, c’était… wow. Je l’ai fait ! Tu dois te persuader positivement parce que ce que tu penses devient ce que tu ressens et ça peut devenir la réalité. J’ai fait en sorte que ça devienne ma réalité. 

L’héritage que tu as laissé à Atlanta est fantastique. Avec le Dream, tu as été cinq fois All-Star, deux fois meilleure scoreuse, meilleure interceptrice, 7 fois dans le meilleur cinq défensif, tu as fait trois finales WNBA, gagné quatre médailles avec Team USA… Enumérer la liste est juste fou. Est-ce que tu penses qu’à l’époque, tu étais respectée et mise en lumière comme tu l’aurais mérité pour ce que tu accomplissais ?

Non. 

De loin, c’est l’impression qu’on pouvait avoir. 

Je dois être honnête. Bien sûr, j’étais la franchise player et la star de cette équipe. Mais je n’avais pas le respect qui m’était dû en interne. On ne m’a vraiment pas bien traitée. La franchise d’Atlanta aujourd’hui a un très bon staff, de bons propriétaires… J’aurais aimé être mieux traitée en tant que franchise player. Quand je suis partie à Las Vegas, je me suis rendue compte. Oh, c’est comme ça qu’on traite les joueuses majeures ? Tu vois ce que je veux dire ? J’ai joué à une époque où il y avait une façon de penser old school. Quand tu t’occupes de joueuses professionnelles, tu dois les traiter comme des professionnelles. On n’est pas au lycée. On n’est pas à la fac. Tu dois les traiter comme des adultes. Je suis heureuse de voir qu’aujourd’hui les joueuses sont bien traitées. Les temps ont changé. 

Sur le terrain, on avait l’impression que tes équipes étaient vraiment bonnes, mais que le Dream avait une superstar, toi, et devait se débattre en finale contre des équipes avec des rosters dingues, comme à Minnesota ou Seattle.. Est-ce que tu penses que ça aurait pu se passer différemment et est-ce que tu as des regrets par rapport à cette période ?

Non, je ne regrette rien. Même ce qui s’est passé en coulisses, ça m’a fait devenir la femme que je suis aujourd’hui. J’avais une super équipe. Avec Sancho Lyttle, une super joueuse, Erika De Souza, Iziane Castro Marques… J’ai pu jouer avec Lindsey Harding pendant une saison. On a eu de très bonnes équipes, mais on a juste pas pu passer le dernier obstacle. Je pense qu’on avait les équipes pour gagner le titre. Il y a des choses qu’on aurait pu faire mieux au niveau du coaching et j’étais une jeune joueuse, immature. J’aurais pu faire mieux, être probablement un peu plus disciplinée. Je pense qu’on aurait pu gagner, mais tout ce que tu m’as énuméré, ça me semble être une vraiment belle carrière. Je n’ai pas à avoir de regrets. C’était une très belle carrière. 

Et elle n’est pas terminée ! 

Et elle n’est pas terminée. 

J’ai une question très française pour toi. En 2014, tu as joué avec Céline Dumerc, qui est une légende en France. Je sais que son passage à Atlanta a été pour le moins frustrant et elle n’est pas revenue après son année là-bas. Qu’est-ce que tu te souviens à son sujet en tant que joueuse et que coéquipière ?

Je l’adorais. J’aurais probablement pu être une meilleure coéquipière pour elle, parce que j’étais jeune et stupide. J’ai adoré jouer avec elle et j’aurais aimé qu’elle revienne parce qu’elle a toujours été ce dont on avait besoin. Je sais que pour elle c’était à un moment où elle voulait faire cette expérience. Pour voir ce que c’était. Et je crois que les J.O. arrivaient peu après, elle voulait voir la concurrence. J’aimais bien la voir aller faire du shopping partout où on allait. Quand on était à New York, elle revenait avec plein de sacs. A Los Angeles aussi, parce que c’était une super expérience pour elle. C’est l’une des plus grandes joueuses de basket en France, si ce n’est la plus grande. C’est la meilleure. J’ai aimé jouer avec elle et j’aurais aimé pouvoir le faire davantage. Qu’est-ce qu’elle fait maintenant ? 

C’est la General Manager de l’équipe de France féminine. 

Bien sûr, c’est évident. Elle était vraiment tout le temps en super forme physique. Je suis sûre que si elle voulait jouer maintenant, elle pourrait encore dominer.

Elle vient juste de finir sa carrière, à vrai dire. Elle jouait encore la saison dernière. 

Oh elle jouait l’an dernier ? Quel âge elle a ?

Je pense qu’elle a 40 ou 41 ans. 

Et elle donne l’impression d’avoir 30 ans. Elle a l’air tellement en forme, elle est super. Je vais essayer de prendre des nouvelles, parce que c’était une bonne personne et une bonne coéquipière. 

Si tu viens prochainement en France, tu la croiseras sans doute. 

Oui, je la croiserai. 

A propos de tes coéquipières, quelle est selon le toi la meilleure avec laquelle tu as joué, ou celle avec laquelle tu as pris le plus de plaisir dans ta carrière ?

J’ai pris beaucoup de plaisir avec Erika De Souza. Elle était fun, avec une personnalité qui nous faisait rire tous les jours, à l’entraînement. J’ai aimé jouer avec Sancho Lyttle. Et quand j’ai rejoint Las Vegas, j’ai vraiment aimé Dearica Hamby. Elle est super. 

Pendant tes années avec Atlanta, tu as eu beaucoup de usccès aussi avec Team USA, avec deux victoires en Coupe du monde et deux médailles d’or olympiques. Quels sont tes meilleurs souvenirs en équipe nationale ? Et je t’en prie, ne me dis pas que c’est quand vous avez battu la France en finale des JO en 2012 !

Ah oui, c’est vrai, on a joué contre la France, je m’en souviens… Je crois que mes meilleurs souvenirs, c’est simplement quand on passait du temps ensemble avec les filles. On jouait en même temps que les gars aux J.O. donc il y avait des parties de cartes. On jouait à ce jeu, la bourrée. Je pense que l’une des personnes avec lesquelles j’ai préféré traîner avec Team USA, c’est Brittney Griner. Elle est vraiment marrante. On était tout le temps ensemble, c’était Brittney et moi non stop. C’était vraiment fun. 

Tu lui as parlé récemment ? Est-ce que tu sais comment elle se sent après cette période incroyablement difficile qu’elle a vécu ?

Je pense que c’est une belle personne et qu’elle est plus sensible à l’intérieur que ce que les gens peuvent penser. Donc je veux que les gens la laissent tranquille. Laissez Brittney tranquille, c’est tout. 

Je voulais qu’on parle un peu de la Wubble. Les gens ne le savent pas forcément, mais tu as été l’un des éléments moteur dans la décision de jouer dans la bulle. Tu voulais utiliser cette plateforme pour éveiller les consciences au niveau de la justice sociale et contre les violences policières et les discriminations. Je crois que tu étais aussi celle qui a suggéré l’idée d’ajouter le nom de Breonna Taylor sur les maillots. Est-ce que tu peux me parler du processus et des étapes qui ont mené à ce moment déterminant pour la ligue en termes d’activisme ?

En gros, j’ai eu cette idée et quand j’ai eu cette idée, on m’a dit : ‘mouais, je ne sais pas trop’ . Donc j’ai mis ça sur les réseaux sociaux pour que tout le monde puisse m’aider à faire accepter ça. Juste après ça, la NBA a fait la même chose. Ils ont pris mon idée ! Mais pas de souci. Ils ont mis des phrases au dos des maillots et c’est parti de mon idée sur les réseaux. Il a fallu que les gens y adhèrent pour que la NBA veuille l’utiliser. C’était pour combattre ce qui se passait. Il y avait tellement d’injustice sociale et pas qu’aux Etats-Unis, partout dans le monde. J’ai vu des gens manifester en France ou à Londres, au Royaume-Uni. C’était un phénomène mondial. L’idée était de dire qu’il faut arrêter de juger les gens par rapport à la couleur de leur peau plutôt que pour leur personnalité. On a fait du très bon boulot et je crois qu’on a planté des graines qui sont en train de pousser aujourd’hui. 

Quels sont tes souvenirs de cette période, parce que ça semblait être vraiment particulier, vraiment pesant, de jouer dans la bulle ?

Je vais être honnête. Mon souvenir le plus marquant, c’est celui d’avoir été épuisée. J’étais vidée parce qu’on voyait quelque chose de nouveau se produire à la télé tous les jours. Des gens se faisaient tuer. George Floyd s’est fait tuer. C’était épuisant et il fallait jouer au basket en même temps. C’était dur, mais je savais qu’il fallait le faire. On devait utiliser cette plateforme pour faire passer le message. Cette période était vraiment très difficile et fatigant. Puis la bulle… Est-ce que tu peux t’imaginer être quelque part pendant trois mois et ne pas pouvoir aller ailleurs ? On était au même endroit pendant trois mois. En plus on a joué jusqu’au bout, on était en Finales. Tout le monde est rentré à la maison, sauf Seattle et nous. J’étais… Je voulais un titre, donc je me suis dit ‘concentre-toi là-dessus’. J’étais devenue claustro, j’avais besoin de voir à nouveau à quoi ressemblait le monde extérieur ! Trois mois et demi ! Ça a été l’une des saisons les plus dures de ma carrière. Il se passait trop de choses dans le monde à ce moment-là et c’était difficile de jouer. 

Et pourtant, tu as quand même fait une saison incroyable. Je crois que c’est l’une des meilleures saisons, si ce n’est ta meilleure saison, en termes d’adresse au tir, etc… Tu as fait une super saison. 

Je pense qu’on pouvait gagner. Mais il faut se souvenir que Dearica Hamby s’est blessée, Liz (Cambage) était absente, Kelsey Plum aussi. On aurait gagné. J’aimerais avoir gagné cette bague. Puis l’année suivante, je me blesse… Je me suis dit : tu mérites une bague.

Est-ce que tu as au moins eu l’opportunité de rester à Las Vegas ?

Non, je ne crois pas, parce que je me suis à nouveau blessée. La franchise est passée à autre chose. Je prenais de l’âge et ils voulaient faire venir d’autres joueuses. Et c’est normal, c’est un business. Elles ont gagné après ça, donc… C’était un peu blessant ! Mais il faut comprendre que c’est le sport, c’est comme ça. 

Maintenant, elles sont doubles championnes en titre, A’ja Wilson est l’un des visages de cette ligue. Comment est-ce que tu juges son évolution entre la A’ja de 2020 et la A’ja de 2023 ?

Il y a une énorme différence. La A’ja de 2020 était un peu calme, réservée et en train de découvrir son rôle en tant que leader. C’est pour ça que Bill (Laimbeer) m’a fait venir aussi. Pour lui montrer comment faire ça. Elle a regardé certaines choses et vu qu’il fallait discuter, trouver des solutions à la mi-temps des matches. Ce côté communication, elle a vu que ce qui était requis pour être une leader. Tu ne dis pas toujours ce que les gens ont envie d’entendre, mais ça aide. Maintenant elle est plus vocale. “Allez, on y va !” La A’ja de 2020 n’était pas comme ça. Je suis un peu fière de me dire que j’ai peut-être un peu contribué à ça et que j’ai une petite part de responsabilité dans ces titres, vu qu’elle est devenue l’une des meilleurs leaders de la ligue. Pareil avec Jackie Young.

Oui, toutes ces joueuses avec lesquelles tu as joué à Las Vegas à l’époque… Ce sont des superstars désormais. Kelsey Plum, Jackie Young…

Absolument. Ce sont des stars. 

C’est une équipe incroyable. J’aimerais que l’on parle un peu de l’étranger, parce que tu as joué en Slovaquie, en Hongrie, en Turquie plusieurs fois je crois, au Liban, en Russie… Dis moi si je me trompe. Jouer à l’étranger et y trouver du succès tout en conservant une bonne santé mentale, ça ne semble pas simple. Qu’est-ce que tu as appris de toutes ces aventures, et lesquelles ont eu le plus d’impact sur toi ?

Je pense que j’ai appris le monde. Qui a l’opportunité de vivre en Russie ou en Turquie ? J’ai appris le monde et aussi qu’il ne faut pas croire tout ce que l’on voit à la télé. Après avoir joué en Russie, j’ai vu ce qu’on disait du pays et je savais que ce n’était pas vrai. Je vivais là-bas. Donc ces choses que les Américains voyaient en se disant ‘Oh mon Dieu, ils font ces choses-là ?’, ce n’était pas ce qui se passait. Il y a tellement de choses que les gens croient et dont j’ai pu voir sur place que ce n’était pas la réalité. J’ai adoré ça dans le fait de voyager. Tu peux voir des choses. C’est comme quand je suis allée en Afrique. Quelle est l’image que l’on donne de l’Afrique ? Les gens sont tous pauvres, ils ont des mouches sur le visage… Non, ce n’est pas vrai. J’y suis allée. 

Tu es allée au Ghana, c’est ça ? 

Oui, et dans plein d’autres pays. C’est l’un des plus beaux endroits du monde, mais ce n’est jamais ce que l’on nous montre. Voyager et jouer à l’étranger m’a permis d’avoir l’esprit plus ouvert et d’apprendre de nouvelles cultures. Vraiment, tout le monde apporte quelque chose au monde à sa propre manière. Vous, les Français, mais les Russes aussi. On ne parle pas des gouvernements et de leurs décisions. C’est différent. Mais les gens qui n’ont rien à voir avec ça, sont magnifiques. J’aurais aimé que mon expérience en Turquie se finisse mieux. On ne m’a pas bien traitée à l’époque à cause de la personne que je fréquentais à cette époque… Il y avait une forme d’injustice. J’aurais dû finir en tant que légende en Turquie, j’y ai joué si longtemps… Tout ce que j’ai traversé, le bon comme le mauvais, j’ai le sentiment que ça finira par avoir un effet positif. je pense que la Turquie reconnaîtra un jour qu’ils se moquent de qui je fréquente et se souviendra de ce que j’ai fait là-bas quand j’y jouais. Je sais qu’un jour mon maillot sera retiré par le Atlanta Dream. Les bonnes choses arriveront. J’ai vraiment aimé jouer à l’étranger. Je pense qu’aujourd’hui encore, j’ai un peu de culture européenne en moi. C’est en moi. Parfois je vais me dire : l’Europe me manque, j’ai besoin d’y aller et je me programme un séjour là-bas en été. J’étais si jeune et pourtant j’ai passé plus de temps là-bas qu’aux Etats-Unis durant la saison. C’était 7 ou 8 mois contre 4 mois de WNBA seulement. J’allais en Europe 8 mois, puis retour à la WNBA. Donc je passais plus de temps là-bas. J’adore la culture européenne et je pense qu’elle fait partie de moi. 

Maintenant il te reste à jouer en France. Je dis ça comme ça…

Paris est l’une de mes villes préférées. Je vais te dire un truc. J’ai emmené ma mère à Paris l’été dernier, Shaï. Elle a adoré, elle ne voulait plus repartir. “Pourquoi est-ce qu’on doit rentrer à la maison ?” C’est la beauté de Paris. Un plaisir sans fin avec de superbes personnes, de l’excellente nourriture, une magnifique culture… J’adore la France. Je vais clairement revenir ! 

Tu es l’une des 25 meilleures joueuses de l’histoire de la WNBA. Et tu n’es pas 25e dans ma liste. Qu’est-ce que tu as ressenti quand tu as appris que tu ferais partie de cette liste ?

C’était… Oh mon dieu. Quand ils me l’ont appris, j’étais blessée. Je me suis dit qu’ils pensaient que j’étais toujours forte. Parce que quand tu es blessée, tu cogites mentalement, tu te dis ‘je ne suis plus si forte que ça’, ouin, ouin… J’ai ressenti que j’avais fait quelque chose de bien. Je l’ai fait, je suis dans les livres d’histoire et je n’en ai pas terminé. J’avais  besoin de ça pour montrer que j’avais bien ce qu’il fallait pour y être. Parfois tu ne sais plus et tu te demandes : ‘est-ce que j’étais vraiment si forte ? Est-ce que les gens aimaient vraiment la manière dont je jouais ? Parfois tu ne sais pas parce que tu es bloquée dans ta propre tête. Mais ça m’a montré que j’avais fait les choses bien. 

Est-ce que tu penses que tu es toujours un peu sous-cotée ? Parce que c’est le sentiment que j’ai quand on parle de toi. Même les médias US, qui semblent mettre en avant d’autres joueuses, qui sont elles aussi très fortes. 

Oui, absolument. Parce que j’ai le sentiment d’avoir fait beaucoup de bonnes choses que peu de gens ont faites avant. J’ai emprunté le chemin le  plus difficile. Je n’ai pas eu d’équipe comme à Minnesota avec toutes ces stars, pour gagner un titre. J’ai dû porter l’équipe sur mes épaules. Comme à Louisville. Je n’avais pas une équipe comme celle de UConn, mais j’ai quand même joué la finale du Tournoi NCAA en portant l’équipe sur mes épaules. 

Et en étant une two-way player. 

En étant une two-way player. Je ne crois pas avoir eu beaucoup de reconnaissance pour ça, comme les joueuses qui font ça aujourd’hui. Même pour les choses que je fais aujourd’hui. Tu sais que j’ai créé deux terrains de basket pour la communauté ? A’ja Wilson en a fait un aussi. Dans un article, ils ont écrit que les joueuses WNBA s’investissaient localement de cette manière, mais on n’a pas parlé de moi. J’ai fait un terrain moi aussi. Je l’ai fait en premier ! Ce sont des choses comme ça qui me font me demander si j’en fais assez ou si je fais ça en vain. Et puis il y a des gens comme toi qui en parlent et qui me font comprendre que ce n’est pas en vain. Continue de faire des choses et si les gens ne le remarquent pas, ce n’est pas grave. Quelqu’un le verra que tu essayes de rendre, d’aider et de faire une différence. 

En France, les gens qui suivent la WNBA, le basket féminin, savent tous ce que tu as fait chaque saison, ce que tu as accompli. Mais j’ai quand même le sentiment que tu es toujours sous-cotée aux Etats-Unis. 

Je le crois, oui. 

Ne serait-ce que le fait que tu sois forte en défense. Et pas seulement forte. Tu as été dans des meilleurs cinq défensifs…

Je crois que ce qui me dérange le plus là-dedans, c’est que ces jeunes qui arrivent ne savent pas qui je suis. Et ça m’ennuie un peu. Je veux qu’elles voient comment je jouais et cette mentalité forte que j’avais sur le terrain. J’espère que quand je vais revenir, elles pourront voir à nouveau comment je jouais. Je suis une joueuse différente maintenant, parce que je suis plus âgée, mais je pense toujours être efficace. 

Oui, tu dois leur montrer ! Cette nouvelle génération de filles qui vont débarquer dans la ligue l’année prochaine, et qui vont potentiellement changer la ligue, comme Caitlin Clark, Paige Bueckers, Cam Brink, Angel Reese, ou Hailey Van Lith, qui était comme toi à Louisville avant d’être transférée, tu penses qu’elles vont faire grandir encore le basket féminin ? Et est-ce qu’il y en a une en particulier que tu es impatiente de voir débarquer ?

J’ai clairement envie de voir comment Caitlin Clark sera en WNBA. Angel Reese aussi. J’aime cette gamine de NC State, Saniya (Rivers). J’adore son jeu. Parfois ce sont ces joueuses sous-cotées qui durent le plus longtemps dans la ligue et deviennent des stars. On ne sait jamais qui réussira à se révéler. Je veux vraiment voir comment Angel sera en WNBA, face à des joueuses comme A’ja Wilson et d’autres grandes stars avec ce gabarit. 

Merci infiniment, prends soin de toi. J’espère que tout se passera comme tu veux. J’ai hâte de te voir sur le terrain, peu importe où. Je pense que beaucoup de gens sont comme moi. 

Shaï, dans quel coin de France est-ce que tu vis ? 

A 10 minutes de Paris. 

Oh cool ! La prochaine fois que je viens, je t’envoie un message pour te prévenir et on pourra se voir. Merci beaucoup, fais moi signe quand tu postes l’interview. 

Je t’envoie le lien quand c’est posté. Probablement la semaine prochaine. 

A bientôt, salut !

Soutenez Swish Swish sur Tipeee

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Avoir le Swag Swag Ultime ?

Swish Swish Boutique

C’est l’occasion unique de soutenir votre site préféré et d’avoir le swag ultime. Et en plus les frais de port sont inclus dans le prix !